Politique

Mahtab Ghorbani : la voix de la résistance à travers la poésie iranienne

Mise à jour le 2025-11-18 20:18:00 : La poétesse Mahtab Ghorbani évoque la puissance de la littérature face à l’obscurantisme en Iran.

Dans un monde où les voix libres sont traquées, la poésie demeure l’un des derniers refuges de la vérité. Figure marquante de la jeune littérature iranienne, Mahtab Ghorbani écrit avec une intensité rare, mêlant révolte, exil, amour et résistance. Héritière de Forough Farrokhzad autant que témoin de son temps, elle porte une parole qui refuse l’effacement et affronte l’obscurantisme là où il brûle encore. Kabyle.com a eu l’honneur de rencontrer cette poétesse dont chaque vers est une cicatrice, un cri et une lumière.

Mahtab Ghorbani, poétesse iranienne

La poésie, et plus généralement la littérature, sont des armes de résistance contre l’obscurantisme

Bonjour Madame Mahtab Ghorbani. Nous sommes ravis de vous interviewer sur Kabyle.com !

Merci beaucoup, c’est un honneur pour moi.

Vous évoquez dans votre poème intitulé « Quelqu’un qui ne ressemble à personne » extrait de votre recueil Milles vies inachevées paru aux éditions du Net, une grande figure de la poésie persane Forough Farrokhzad et vous mettez l’accent dans ce poème sur votre combat contre l’obscurantisme religieux.

Pensez-vous que le vers soit une arme de résistance contre l’obscurantisme en Iran?

Bien sûr, la poésie, et plus généralement la littérature, sont des armes de résistance contre l’obscurantisme — ou plutôt, devrais-je dire, nos seules armes ! Depuis la révolution islamique, plus de quatre-vingts poètes, écrivains et intellectuels ont été assassinés en Iran par le régime. C’est une preuve évidente de la peur qu’éprouvent les régimes totalitaires face à la littérature engagée et combattante.

Vous portez une vision critique de la société iranienne, qui met en exergue les racines d’un malheur profond partagé par les femmes et les hommes. Et votre vision de l’amour est à la fois morose et triste mais aussi libertaire et révolutionnaire.

Pensez-vous que l’amour et la révolution vont de pair ?

À mon avis, l’amour est essentiel, il est le moteur de toute action. Sans amour pour la liberté et les droits humains, sans amour pour l’être humain, comment pourrions-nous faire une révolution, comment pourrions-nous faire face à un régime armé jusqu’aux dents ? Pour être franche, je dirais que l’amour, pour moi, prend différentes formes, mais quelle que soit sa forme, il donne à l’être humain un courage extraordinaire : celui de tout sacrifier.

Dans votre recueil de poésie Milles vies inachevées, vous évoquez la thématique de l’exil. L’exil, l’éloignement de la terre natale, provoque un sentiment dépressif et une grande déchirure.

Mais être un poète exilé, n’est-ce point une condition propice à l’innovation poétique ?

À mon avis, l’exil — surtout lorsqu’il est forcé — n’offre aucun privilège à la créativité. L’exil, l’arrachement à ses racines, est une épreuve douloureuse, particulièrement pour un poète ou un écrivain dont l’outil est la langue maternelle. Le poète exilé doit faire un effort double pour vivre : un effort pour compenser le manque de sa langue d’origine, pour trouver un nouveau public dans une terre étrangère, et pour continuer à écrire… Bien sûr, pour moi, l’exil a aussi été une chance unique, car je dois ma survie et ma liberté d’écrire à l’exil. Mais le chemin est extrêmement difficile, et il faut un immense amour pour pouvoir le poursuivre.

Le monde d’aujourd’hui vit si mal et traverse des conflits sanguinaires, des crises politiques, économiques, qui semblent ne pas avoir de fin.

Pour vous, Madame Mahtab Ghorbani, le poète, où qu’il soit, a-t-il la responsabilité historique d’intervenir, en utilisant sa poésie, dans des questions sociales, sociétales et politiques ?

Pas seulement par sa poésie, mais aussi par sa manière de vivre, par son engagement envers l’humanité et le monde dans lequel il vit. Je me souviens toujours du discours d’Albert Camus lors de la remise de son prix Nobel, et aussi des paroles de Mario Vargas Llosa, qui disait que, dans le monde d’aujourd’hui, la littérature n’est pas un divertissement, mais un devoir : celui de lutter contre le totalitarisme.

Quels sont les poètes qui influencent votre écriture poétique?

Sans aucun doute Forough Farrokhzad et Mohammad Mokhtari, l’un des poètes assassinés lors des meurtres en série d’intellectuels en Iran. Parmi les poètes étrangers, j’aime profondément Mahmoud Darwich, Anna Akhmatova et Baudelaire.

Quel est pour vous le moment idéal pour écrire?

La littérature, à mon avis, est un travail à plein temps. Bien sûr, je suis une personne de la nuit, et écrire la nuit m’est plus agréable. Mais pendant la journée aussi, j’ai besoin de travailler sur mes idées. Avec le rythme effréné de la vie en exil, je dois dire que j’utilise le moindre instant pour écrire.

Votre dernier recueil de poésie lu?

Le dernier recueil de poésie que j’ai lu est « Glaciers » de Bruno Doucey.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

J’attends la publication de mon premier roman en français, intitulé Écrire avec un couteau. Ce roman a reçu la bourse de la littérature étrangère du Centre National du Livre en France. Mon deuxième recueil de poésie sera bientôt publié à Bruxelles, et j’espère que mon troisième recueil paraîtra en 2026 aux Éditions Bruno Doucey. Je travaille également sur mon deuxième roman, tout en collaborant, en parallèle, avec le Parlement des exilés en tant qu’activiste des droits humains.

Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions ! Un mot pour conclure ?

Je pense que la littérature est une voie de salut pour le monde, et que les poètes et les écrivains sont les véritables narrateurs de l’histoire. Pour moi, la littérature n’est pas seulement un refuge, mais aussi la langue qui permet de dire l’indicible — ces paroles que les régimes totalitaires ont toujours voulu interdire.

Entretien réalisé par Amar BENHAMOUCHE

Ce qu’il faut savoir

  • Le fait : Mahtab Ghorbani souligne l’importance de la poésie comme résistance.
  • Qui est concerné : Les écrivains et poètes engagés en Iran.
  • Quand : Actuellement, dans le contexte des révoltes en Iran.
  • Où : Iran et diaspora.

Sources

Source : Kabyle.com

Visuel d’illustration — Source : kabyle.com

Source d’origine : Voir la publication initiale

Date : 2025-11-18 20:18:00 — Site : kabyle.com


Auteur : Cédric Balcon-Hermand — Biographie & projets

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Publié le : 2025-11-18 20:18:00 — Slug : mahtab-ghorbani-la-litterature-est-une-voie-de-salut-pour-le-monde-kabyle-com

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Cédric Balcon-Hermand

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