La fin du mythe : Nicolas Sarkozy, un justiciable comme les autres ?
Mise à jour le 2025-11-18 22:33:00 : La récente incarcération de Nicolas Sarkozy remet en question l’idée qu’il soit un justiciable comme les autres.
Quel que soit l’avis que l’on peut avoir sur le fond de l’affaire ou la personne de Nicolas Sarkozy, il est au moins permis d’espérer que la séquence allant de sa condamnation à sa libération, au moins provisoire, nous aura débarrassé du mythe tenace (ou du vœu pieux) selon lequel il serait « un justiciable comme un autre ».
Combien de fois, au cours des multiples affaires judiciaires impliquant Nicolas Sarkozy, et particulièrement lors de son dernier procès sur ses relations avec la Libye de Kadhafi, cette formule toute faite du « justiciable comme un autre » (ou de sa variante « une même justice pour tous ») aura été invoquée par le camp des sarkozistes comme par celui de ses adversaires, les premiers pour dénoncer « un acharnement de la justice », les seconds pour justifier poursuites sans trêve et condamnation !
Une séquence troublante
Or l’expression ne devrait plus tenir après les péripéties des dernières semaines : l’immense retentissement de cette affaire tant en France qu’à l’étranger, le spectaculaire transfert de l’intéressé vers son lieu de détention, qui ressemblait plutôt au cortège officiel d’un chef d’État en exercice ; son « accueil » au milieu des cris de haine et menaces de mort de ses codétenus, plus portés en général à acclamer les « grands délinquants » lors de leur arrivée ; la situation ubuesque d’un prisonnier gardé H24 par des policiers et non des surveillants, pas pour prévenir son évasion mais pour garantir sa sécurité ; la visite peu commune qu’a rendue, à ce prisonnier décidément peu ordinaire, le ministre de la Justice ; enfin sa libération au bout de trois semaines, fait rarissime dans la pratique judicaire, qui constitue pour les uns un démenti de la décision de première instance et pour les autres la preuve d’une justice indulgente à l’égard les puissants. Autant de péripéties qui contredisent le discours du « justiciable comme un autre » ; et autant de passions partisanes dont le déchaînement pourrait conduire un esprit malicieux à se demander si « le trouble à l’ordre public », argument central invoqué par le tribunal pour justifier l’incarcération dès la première instance, n’en a pas davantage été la conséquence que la cause…
Un peu de recul historique aurait dû conduire dès le départ les uns et les autres à éviter les clichés : Nicolas Sarkozy n’est-il pas le seul ancien chef d’État à avoir été incarcéré dans notre histoire en dehors des temps de révolution ou de guerre, situation qui n’est pas vraiment celle de la France de 2025 malgré toutes ses difficultés ?
Un traitement spécial revendiqué par les juges
Surtout, l’examen de la décision des juges aurait dû clore d’emblée le débat, car le traitement spécial dont l’intéressé a fait l’objet est explicitement revendiqué par le tribunal lui-même : sa qualité de dirigeant politique est en effet au cœur de la motivation de la disposition la plus contestée par les spécialistes, à savoir l’exécution provisoire destinée à assurer « l’exigence de probité et d’exemplarité des élus ». Certes, la formulation n’est pas très heureuse puisqu’au moment des faits incriminés, Nicolas Sarkozy n’était pas un « élu » mais un ministre, et ses actes relevaient donc normalement de la Cour de Justice de la République ; mais la jurisprudence en la matière a étendu, en même temps que la compétence des tribunaux ordinaires, cette notion d’exemplarité aux gouvernants, présidents de la République inclus, malgré l’irresponsabilité pénale que leur accorde la Constitution.
« L’exemplarité : une boîte de Pandore ? »
Certains se félicitent de ce contrôle accru de l’Exécutif et de cette moralisation recherchée de la vie publique ; d’autres s’inquiètent justement de ce registre moral et des dérives d’une notion au caractère imprécis, donc subjectif et extensible à volonté. On citera dans cet esprit l’observation de Cécile Guérin-Bargues, professeur de droit public à l’université Paris Panthéon-Assas : « Le juge pénal tend à utiliser la notion d’exemplarité des gouvernants pour son utilité argumentative et rhétorique afin d’attraire [faire entrer] autant que possible les manquements incriminés dans le champ répressif, quitte à passer outre les dispositions constitutionnelles ou législatives qui le lui interdiraient ». Voilà qui ouvre le débat à d’autres considérations : le respect de la séparation des pouvoirs ou de la présomption d’innocence, par exemple.
Mais l’essentiel, à lire encore une fois la motivation expresse des décisions judiciaires, est ici de noter que Nicolas Sarkozy – et avec lui tout gouvernant ou aspirant à le devenir, comme le montrent les cas de François Fillon et de Marine Le Pen – n’est décidément pas « un justiciable comme un autre ».
[1] Cécile Guérin-Bargues : https://www.juspoliticum.com/articles/L-exemplarite-des-gouvernants-ce-qu-en-disent-les-juges. Du même auteur, sur le jugement de Nicolas Sarkozy : https://blog.juspoliticum.com/2025/10/17/condamnation-de-nicolas-sarkozy-anatomie-dun-verdict.
Ce qu’il faut savoir
- Le fait : Nicolas Sarkozy a été incarcéré, puis libéré après trois semaines.
- Qui est concerné : Les citoyens français et les observateurs de la politique.
- Quand : La libération a eu lieu récemment, après une incarcération de trois semaines.
- Où : En France.
Contexte
Cette affaire soulève des questions sur l’égalité devant la justice et le traitement des anciens chefs d’État. La décision des juges de traiter Sarkozy différemment met en lumière les enjeux de l’exemplarité des élus et les implications de la moralisation de la vie publique.
Sources

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Date : 2025-11-18 22:33:00 — Site : contrepoints.org
Auteur : Cédric Balcon-Hermand — Biographie & projets
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Publié le : 2025-11-18 22:33:00 — Slug : la-fin-dun-mythe-nicolas-sarkozy-un-justiciable-comme-un-autre
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