
« Produits toxiques », « Danger pour la santé » : ce mardi 29 avril, devant le tribunal des prud’hommes de Paris, une cinquantaine d’agents arborent sur leur tee-shirt ces pictogrammes avec gravité. « On manipule des produits avec ces logos au quotidien », alerte Nuno Martins, secrétaire général de la RATP GISO, en brandissant une photo d’une épaisse fumée blanche émanant d’un local de maintenance. 75 agents de maintenance poursuivent la direction de la régie francilienne pour « préjudice d’anxiété » face à la pollution chimique et au manque de prévention.
Une douzaine d’interpellations de l’inspection du travail
Depuis 2020, une douzaine de mises en demeure et de lettres d’observation de l’inspection du travail n’ont pas fait réagir la direction. Un second audit externe commandé par la Comité social et économique (CSE) révélé en janvier 2025 a épinglé la sécurité sanitaire des salariés du réseau de bus de la RATP.
« Les agents de maintenance sont exposés à des risques chimiques importants, notamment aux agents chimiques dangereux, aux cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques et aux fumées toxiques générées par certaines interventions », pointe l’expertise du cabinet 3CSE, que l’Humanité avait pu consulter, mais que la direction de la RATP a contesté. Depuis, de nouveau, le local de maintenance de Saint-Denis a reçu trois mises en demeures, au même titre que celui d’Asnières la semaine dernière.
« On a interpellé la direction, on a fait des alarmes sociales, des dizaines et dizaines de DGI (Dangers graves et imminents), on est passé par toutes les strates, se désole le représentant syndical. Au bout d’un moment, on en a eu marre ! Les prud’hommes ne sont qu’une étape évidente face à l’inaction de la direction ! » affirme au micro le représentant du personnel.
Les travailleurs pointent du doigt une défaillance des équipements de protection collective et l’insuffisance de prévention des risques. « J’ai le souvenir d’arriver sur mon lieu de travail, et d’observer une distinction parfaite entre les fumées d’échappement des bus et le local, témoigne Alain Duigou, mécanicien à la retraite depuis janvier 2025. Ils changeaient de temps en temps les filtres pour se donner bonne conscience, mais il n’y a jamais eu de mesures concrètes pour endiguer la pollution ».
L’inaction de la direction pointée par la CGT
Le néo-retraité à la voix abîmée met en cause « un turn-over incessant » des gestionnaires de site : « entre 2019 et 2024, j’ai changé quatre fois de chef, ils se renvoient en permanence les responsabilités ». « Je compte mes années » poursuit-il. « On dit qu’on est des privilégiés car on part tôt à la retraite, mais combien meurent prématurément 2-3 ans après ? », reprend avec émotion Nuno Martins.
« C’est un souci de rentabilité, et ils croient s’en sortir avec la vente, dénonce Riadh, élu CGT à la commission santé au travail. Les salariés ne sont pas des numéros mais des humains ». Alors que la régie francilienne assurait passer au « 100 % électrique » en 2024, le bilan n’est pas au rendez-vous. « Ils ne veulent pas mettre de moyens. Finalement, on n’aura pas atteint 70 % d’électrique en 2027-2028, affirme le secrétaire général de la RATP GISO. En attendant, on continue de respirer ces polluants ? Et comment cela se passera pour ceux qui partent à la retraite ? Si la maladie se déclare ? »
Avec ces procédures aux prud’hommes, les syndicalistes espèrent la mise en œuvre de mesures concrètes, « de la RATP, des filiales, et des repreneurs », et la reconnaissance de la maladie professionnelle. Mi-novembre, Ile de France Mobilités avait dévoilé les premiers des 13 lots de bus privatisés. Les premiers transferts d’agents vers les nouveaux opérateurs s’effectueront à partir du 1er novembre 2025. « La volonté de la direction est de balancer sa patate chaude aux repreneurs » s’insurge un représentant du personnel, alors qu’il passe sous la direction de CAP en fin d’année.
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Auteur : Léa Darnay
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