
À Veules-les-Roses, en Seine-Maritime, la cressonnière emblématique de la commune s’apprête à tourner une page. Après 19 années passées les pieds dans l’eau et le dos courbé, Patrick Mahieu, cressiculteur, va prendre sa retraite le 31 mai prochain.
Entre les chaumières normandes et les maisons de briques rouges, une silhouette familière se distingue : veste orange sur le dos, liens dans la botte gauche, couteau dans la droite, Patrick Mahieu cultive le cresson dans le nid du plus petit fleuve de France : la Veules. « Il faut du temps avant de savoir faire une belle botte« , glisse-t-il en coupant et en attachant les tiges.
Un geste qu’il répète depuis 46 ans. Mais cette saison a une saveur particulière. À la fin du mois de mai, il arrêtera. “Je vide tout, je pars.”
Voir le reportage de Magali Nicolin, Clémentine Baude et Laura Thommerel :
durée de la vidéo : 00h01mn42s
À Veules-les-Roses, les dernières bottes de la cressonnière
•
©France 3 Normandie
Cette dernière année aura été rude. Une cinquantaine de poules d’eau ont pris possession des lieux en hiver, saccageant les racines et les pousses à la recherche de crevettes. « Je n’ai sorti aucune botte entre novembre et février. J’ai perdu quatre mois. Ça m’a mis un coup au moral« , souffle-t-il, déçu.
À cela s’ajoute un goût amer : Patrick a eu l’impression d’avoir été abandonné par la mairie dans cette bataille. Pour la municipalité, les réglementations environnementales très strictes n’ont pas permis de trouver un compromis.
L’exploitation, propriété de la commune, attire les curieux, les promeneurs, les habitués des marchés. C’est un décor vivant qui participe à la notoriété de Veules-les-Roses depuis le XIVe siècle.
Les paniers se remplissent doucement pour la fête du cresson, dimanche 20 avril.
•
© Laura Thommerel / France 3 Normandie
Pour Mme Claire, adjointe au maire, Veules-les-Roses sans sa cressonnière, ce n’est pas imaginable. Si, pour elle, il n’y a “pas de doute” quant à la reprise de l’exploitation, une question demeure : quand ? Car dès le mois de juin, il faudra planter.
La municipalité lance donc un appel, à la fois localement, ici en Normandie, et jusqu’à Méréville en Essonne – capitale du cresson – en passant par l’Association des cressiculteurs, pour trouver le futur repreneur.
Malgré cela, la fête du cresson aura bien lieu ce dimanche 20 avril. Un goût doux-amer, comme une dernière danse pour le futur retraité. « Le soir, ça va faire un peu mal. Surtout quand les clients me disent : ‘Oh non, vous n’allez pas nous laisser !’ Mais à un moment, il faut dire stop. » La cressonnière attend désormais son nouveau visage.
Article écrit par Laura Thommerel.