
Des Français privés de baguettes le 1er mai ? Alors que la question ne s’était jusque-là jamais vraiment posée, une pluie de verbalisations en 2024 a changé la donne. A quinze jours de la Fête du travail, la France va-t-elle être privée de l’une de ses traditions les plus ancrées ?
Que dit la loi ?
Parmi les fêtes légales, seul le 1er mai est obligatoirement chômé pour tous les salariés (toutes entreprises et catégories confondues). Les boulangers, dont le métier n’est pas considéré comme indispensable, ne font donc pas exception à la règle. Les seuls salariés qui peuvent travailler le 1er mai sont ceux employés dans une entreprise qui, « en raison de la nature de l’activité, ne peut pas interrompre le travail », précise les articles L3133-4 à L3133-6 du Code du Travail. C’est le cas par exemple dans les hôpitaux, la presse écrite (puisque le journal paraît le 2 mai ; dans ce cas, c’est le 30 avril qui est chômé) ou encore les transports publics. En théorie, car très peu de ces derniers fonctionnent le jour de la Fête du travail.
Dans les entreprises de boulangerie-pâtisserie, la possibilité d’employer des salariés le 1er mai a longtemps reposé sur une position ministérielle du 23 mai 1986. Mais cette dérogation est devenue obsolète après une décision de la Cour de cassation en 2006.
Pourquoi le sujet est devenu brûlant cette année ?
Pendant des années, de nombreuses boulangeries ont ouvert le 1er mai, sans que cela ne pose le moindre problème, ou alors épisodiquement. « Jusqu’à l’an dernier, personne ne s’était posé la question. On avait toujours travaillé, les gens sont payés le double, tout le monde était content, et les clients consomment ce jour-là », explique Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie. Sauf qu’en 2024, cinq boulangeries de Vendée se sont fait verbaliser. « Les inspecteurs du travail se réfèrent à la loi sur le travail du 1er mai, et c’est une question d’interprétation car nous n’avons pas de dérogation légale », estime Dominique Anract.
Pourtant, selon la Confédération nationale de la boulangerie, la loi reste très floue. Quid d’une boulangerie qui livre des hôpitaux, des établissements pénitentiaires ou des EHPAD et pourrait être considérée comme exerçant une activité qui ne permet pas d’interrompre son travail le 1er-Mai ? Il pourrait en être de même s’il n’y a qu’une seule boulangerie-pâtisserie au sein d’une commune.
Alors, la France sera-t-elle privée de baguette le 1er mai ?
« Je ne peux imaginer qu’on doive fermer 34.000 boulangeries en France, le pays du pain ! », lance Dominique Anract.
Interrogée sur ce sujet, la ministre du Travail, Catherine Vautrin, a répondu qu’un boulanger, qui est entrepreneur, est autorisé à travailler le 1er mai, mais pas ses salariés. L’amende encourue est de 750 euros par salarié concerné, 1.500 euros quand celui-ci est mineur, a-t-elle rappelé. Mais elle s’est aussi dite prête à soutenir une modification de la loi. « Le pain est une tradition française », a-t-elle ajouté. « Je m’engage à soutenir les initiatives parlementaires qui feront évoluer la loi et permettront aux salariés des boulangeries de travailler le 1er-Mai s’ils le souhaitent. »
Elle n’est pas la seule au sein du gouvernement à militer pour une ouverture le 1er mai. « L’application de cette loi est aujourd’hui difficilement compréhensible », admet Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi. « Si, sur une base volontaire avec des compléments de salaire, les gens ont envie de s’organiser, on doit pouvoir laisser [faire] avant de pouvoir clarifier les choses dans la loi ».
Marine Le Pen a apporté son « soutien » aux « boulangers qui souhaitent ouvrir leur commerce le beau jour du 1er mai, avec des salariés évidemment volontaires ». « Laissons ceux qui veulent travailler le faire librement », renchérit l’ex-ministre du Commerce Olivia Grégoire, députée EPR. David Lisnard, patron de l’Association des maires de France (et maire de Cannes), y voit, lui, une question de « liberté ».