
L’éco-anxiété en France
Le délitement de nos conditions de Vie n’est pas appréhendé de la même façon par tous les Français. Alors que la France est le pays d’Europe le plus menacé par la crise climatique, l’Ademe vient de publier une étude sur l’éco-anxiété en France, dans la tranche d’âge de 15 à 64 ans (42 millions de personnes).
L’éco-anxiété est définie par les chercheurs comme « une détresse psychologique (mal-être) liée aux inquiétudes face à la crise environnementale ». Si elle n’est pas une maladie, l’éco-anxiété peut conduire à des psychopathologies connues (par ex. dépression ou troubles anxieux) dans les cas d’intensité les plus extrêmes.
Selon l’étude de l’Ademe, 6,3 millions de français seraient moyennement éco-anxieux avec de premiers symptômes qu’il convient de ne pas laisser s’aggraver. 2,1 millions seraient fortement éco-anxieux et 2,1 millions très fortement éco-anxieux, au point de devoir bénéficier d’un suivi psychologique. 420.000 d’entre eux courent le risque de basculer vers une psychopathologie tierce connue (dépression réactionnelle ou trouble anxieux).
« Les patients n’en dorment plus la nuit, ont des ruminations, s’isolent des autres, cela peut entraîner des psychopathologies réactionnelles comme des dépressions, des troubles anxieux ou des stress post-traumatiques quand ils vivent des catastrophes » explique le psychologue Pierre-Eric Sutter, co-auteur de l’étude, au micro de RadioFrance
Bonne nouvelle : 31,5 millions de Français ne sont pas menacés par des pathologies entraînées par l’éco-anxiété, bien que 10,5 millions d’entre eux se sentent légèrement éco-anxieux. Les 25-34 ans sont particulièrement éco-anxieux, tandis que les individus les plus âgés (50-64 ans) semblent moins sujets à des formes d’éco-anxiété sévères, ainsi que nous le rapportait l’association Mémoire Verte qui relie les générations.
A l’inverse de l’idée reçue selon laquelle les agriculteurs ne sont pas écolos, ils sont au contraire particulièrement frappés par l’éco-anxiété, étant en première ligne du dérèglement climatique. Un constat qui rejoint celui de nombreuses études. Autre population particulièrement éco-anxieuse : les personnes qui habitent en grande agglomération ou en région parisienne.
« Peut-être que la leçon à en tirer est que la confrontation aux premiers problèmes visibles augmente la crainte liée au changement climatique : pour les agriculteurs, ce sont les aléas climatiques qui s’accumulent de plus en plus, et pour les habitants des grandes villes l’expérience des premières canicules qui vient s’ajouter à une tendance naturelle au stress dans les grandes concentrations urbaines » analyse Jean-Marc Jancovici, fondateur du Shift Project.
Si les femmes sont plus touchées, les hommes sont eux plus enclins à présenter une symptomatologie sévère par rapport aux femmes. Surtout, au fur et à mesure que la crise climatique frappe le territoire, les personnes touchées par le phénomène seront de plus en plus nombreuses.
« Il faut arrêter de considérer l’éco-anxiété comme quelque chose de binaire avec d’un côté les éco-anxieux, et de l’autre ceux qui ne le sont pas. C’est une intensité qui croît en fait. Au fur et à mesure des mauvaises nouvelles, les gens vont réaliser que c’est une problématique systémique et pas juste un problème local, loin au Canada qui ne nous concerne pas » rappelle le psychochologue Pierre-Eric Sutter
Pour les personnes concernées par le phénomène, ainsi que les auteurs de l’étude, l’éco-anxiété n’est pas qu’un poids. Elle peut aussi être un moteur pour passer à l’action, « meilleure ‘médication’ pour traiter l’éco-anxiété », et participer à la régénération des écosystèmes.
Méthodologie : Cette étude est la première étude menée sur un échantillon représentatif de la population française, incluant 998 individus, recrutés entre le 26 août et le 4 septembre 2024. La méthode des quotas a été appliquée.