Le président de la République française Emmanuel Macron a dénoncé la propagation d’une désinformation pro-russe, dans son allocution de mercredi 5 mars. Cette désinformation fait régulièrement l’objet de chroniques du Vrai ou Faux, tout comme de rapport de Viginum ou d’enquêtes journalistiques. Mais les heures qui suivirent la rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky vendredi 28 février, qui s’est soldée par l’humiliation du chef d’État ukrainien, donnent un exemple concret des mécanismes qui sont à l’œuvre lors des tentatives d’ingérence et de manipulation pro-russes.
Soupçons d’opération d’influence massive
L’agence française Agoratlas a réalisé une étude de cas en analysant les près de 80 000 publications et réponses contenant le mot « Zelensky » qui ont été faites en français sur le réseau social X pendant les 24 heures qui ont suivi le rendez-vous houleux. Elle a constaté qu’un tiers de ces messages étaient négatifs, ce qui n’est pas un problème en soi, sauf que, dans ces messages négatifs, Agoratlas a trouvé que près de 4 500 publications étaient louches et relevaient d’« opérations probables de manipulation ».
« On s’est très vite rendu compte qu’il y avait des comportements suspects aussi bien dans les comptes utilisés que dans les méthodes avec du spam massif », explique son directeur général Clément Hammel à franceinfo, avec notamment des messages qui sont publiés de nombreuses fois à l’identique ou presque, par un seul compte X ou par plusieurs.
Un « spam massif » anti-Zelensky
Dans les documents de cette étude que franceinfo a pu consulter, Agoratlas explique que, « à quatre reprises, [ils ont] observé un même compte publier plus de 100 fois le même commentaire à l’identique sous différents posts ». C’est le cas du message « Le clown Zelensky a un peu trop forcé sur la cocaïne » qui a été laissé en commentaire sous d’autres publications 185 fois en 24 heures par le même utilisateur, ce qui ressemble clairement à une « attaque coordonnée », selon Clément Hammel.
Le message « Zelensky et Macron veulent leur guerre, ils haïssent Poutine » a été publié 165 fois par trois utilisateurs, ce qui est une diffusion de messages très inhabituelle.
De la même façon, un autre message affirmant que « le député urkakinien Oleksandr Dubinsky vient de demander une session d’urgence du Parlement ukrainien pour lancer une procédure de destitution contre le président Zelensky » a été publié en l’état – ou avec quelques petites modifications comme des commentaires ajoutés ou des emojis différents – par plusieurs comptes. Ce dernier message cite le nom d’un homme politique ukrainien qui n’est plus député à l’heure actuelle, il relève donc de la pure désinformation.
Le comportement de certains de ces comptes, notamment de ceux qui publient des dizaines et des dizaines de fois le même message, ressemble à celui de bots informatiques, des logiciels qui publient automatiquement ou semi-automatiquement les mêmes textes en masse. Mais certains messages se sont aussi retrouvés publiés par des comptes d’internautes identifiés, tels que Silvano Trotta, qui relaie régulièrement la propagande russe.
Création de comptes X coordonnée
Agoratlas a aussi été interpellée par le fait que nombre des près de 35 000 comptes qui ont publié tous ces messages dans les 24 heures qui ont suivi la rencontre ont été créés assez récemment. Une grande partie depuis le début de l’année 2022, juste avant le début de la guerre en Ukraine et « 4 100 ont été créés en 2024 soit environ 11,2 inscrits par jour », explique l’agence. Elle relève que « ce taux d’inscriptions a quasiment doublé sur le mois de février 2025 avec 21,5 nouveaux comptes par jour ».
Il y a eu plusieurs pics importants de création de ces comptes à des dates clés, en lien direct avec l’actualité. Le 6 novembre 2024, au lendemain de la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, 34 comptes ont été créés. Plus de 150 sont nés en trois jours lors de son investiture à la fin du mois de janvier 2025, soit avec un rythme cinq fois plus intense qu’en temps normal.
Cela se matérialise aussi dans les heures qui ont suivi la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Quelque 36 comptes ont été créés dans les 24 heures qui ont suivi, soit un rythme trois fois plus élevé qu’en temps normal. Une analyse précise des heures de leur naissance montrent qu’ils ont vu le jour juste après le clash à la Maison Blanche. Ces comptes ont donc été créés puis ont immédiatement publié des messages politiques visant le dirigeant ukrainien, ce qui alimente encore les soupçons d’une opération d’influence d’envergure.