Pourquoi être lesbienne est encore une prise de risque en 2025 ?

Pouvez-vous citer des lesbiennes connues ? La réponse est souvent non, ou alors, impossible d’en connaître dix. Pourtant, elles existent, les lesbiennes. Elles seraient même plus de 400.000, selon des études recoupées des fondatrices de l’Observatoire de la lesbophobie, Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier. Face à ce constat, ces chercheuses ont voulu comprendre pourquoi elles étaient si peu visibles dans Le Déni Lesbien, titre miroir de l’essai d’Alice Coffin, Le Génie Lesbien.

Sarah Jean-Jacques, sociologue, chercheuse en post-doctorat à l’Université Paris-Saclay, et coautrice avec Sophie Pointurier du « Déni Lesbien ».  -  Marie Rouge

Les deux autrices ont donné la parole à vingt femmes lesbiennes out afin de « comprendre le parcours de celles qui vivent à la marge de l’hétérosexualité » et analyser cette invisibilisation des vécus.

A l’occasion du 26 avril, journée mondiale de la visibilité lesbienne, Sarah Jean-Jacques, également sociologue, chercheuse en postdoctorat à l’Université Paris-Saclay, est revenue pour 20 Minutes sur les facteurs de cet effacement, la lesbophobie et l’importance des marches lesbiennes.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Dans le cadre de nos travaux avec Sophie, on avait, en seulement six ans, reçu plus de 600 témoignages de lesbophobie. Donc après avoir créé l’Observatoire en 2022, on a voulu faire évoluer notre projet et poursuivre notre engagement sur la condition lesbienne. On a voulu s’intéresser aux représentations lesbiennes et en se demandant pourquoi il y en avait si peu, on a fait le lien avec les témoignages recensés. Il y avait forcément un « coût » à être visible. On l’a remarqué très vite quand on a contacté une soixantaine de personnalités pour participer au projet et que seules vingt ont répondu favorablement.

Quel est l’objectif du Déni Lesbien ?

L’objectif était de comprendre quels sont les mécanismes qui conduisent à l’effacement les lesbiennes dans le paysage médiatique et dans la société en général. On s’est également penché sur les violences et la lesbophobie, pour voir comment elles se manifestent dans le cadre du travail. Le Déni Lesbien fait donc état de la problématique de cette invisibilisation faite à l’existence lesbienne dans l’Histoire et à leur relation.

"Le Déni Lesbien", écrit par Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier, également fondatrices de l'Observatoire de la lesbophobie en 2022, est sorti aux éditions Harper Collins, en septembre 2024.
« Le Déni Lesbien », écrit par Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier, également fondatrices de l’Observatoire de la lesbophobie en 2022, est sorti aux éditions Harper Collins, en septembre 2024.  - Harper Collins

La question lesbienne est particulièrement intéressante parce que l’effacement est à la fois le produit de la société, en raison de la lesbophobie, il y a donc ce déni. Mais cet effacement est aussi utilisé par les lesbiennes comme une stratégie pour se préserver. C’est donc quelque chose qui est subi et qui contraint la condition lesbienne et en même temps, les femmes lesbiennes s’invisibilisent pour se protéger. Mais on a pu voir qu’il y avait différents facteurs qui contribuaient à cet effacement général.

Il existe donc bel et bien des violences lesbophobes, en dépit de l’idée reçue que les personnes lesbiennes vivent désormais en sécurité ?

On a en effet tendance à penser que, parce que le cadre législatif et juridique a évolué [le mariage pour toutes et tous, la PMA pour les couples lesbiens], ce n’est plus un sujet et qu’il n’y a plus de problème. Ensuite, le fait qu’il y ait peu d’études et qu’elles soient peu connues, renforce l’idée générale qu’il n’y a aucun problème sur ces questions-là en 2025, alors que c’est complètement le contraire.

A l’heure actuelle, il y a uniquement deux associations qui produisent des données sur les violences envers les lesbiennes, SOS Homophobie [deux enquêtes sont sorties sur le sujet, en 2008 et en 2015] et l’Autre cercle, qui vise à développer l’inclusion des personnes LGBT dans le monde du travail [la dernière enquête révèle que 53 % des lesbiennes interrogées ont subi des discriminations liées à leur orientation sexuelle au travail]. Et pour la première fois, une recherche académique, – que je mène –, va se pencher sur le vécu des lesbiennes au travail, pour laquelle je recueille des témoignages de discriminations à caractère lesbophobe.

De quelles manières se traduisent ces discriminations lesbophobes ?

Sur les réseaux sociaux, pour les personnalités publiques, ce sont des milliers de messages de haine, par des inconnus, et la plupart du temps, des menaces de viols. Dans ces cas-là, certaines personnes choisissent de se retirer pour se préserver. Là, encore, les auteurs « gagnent » car il y a une forme d’invisibilisation.

Dans l’espace public, à partir du moment où un couple de lesbiennes se déplace dans la rue en se tenant la main par exemple, il est sanctionné. On a les insultes « classiques », identitaires, comme « sale gouine ». Très souvent, ce sont des insultes hypersexualisées. Au lieu d’être identifié comme un couple à part entière, les lesbiennes vont être réduites à leur sexualité et à être à disposition des hommes. Les couples sont souvent pris à partie avec des menaces de viols correctifs. Un exemple ? « Je vais te guérir du lesbianisme avec ma bite ». Il y a une dimension très violente de sanction par le viol.

Cela montre bien que le fait d’être lesbienne n’est pas encore quelque chose qui va de soi dans l’espace public. Donc, quand les lesbiennes ont des marques d’affection entre elles dans la rue, c’est une forme de coming out. Et c’est donc une prise de risque.

On a tendance à dire « ah mais ça va, ce ne sont que des insultes », mais finalement le poids des agressions verbales a beaucoup de conséquences sur leurs expériences, leurs pratiques et la manière de se rendre visible au travail ou dans n’importe quel autre contexte dans la société.

Mais pourquoi la question lesbienne dérange ?

Les lesbiennes font « peur » à la société. Elles dérangent parce qu’il n’est pas question d’hommes. La question lesbienne est considérée comme menaçante pour l’ordre établi autour de l’hétérosexualité et de la domination masculine. La non-mixité qui représente l’essence même de l’identité lesbienne, c’est-à-dire, le fait d’être entre femmes, représente donc un frein à la visibilité en général.

Quel est alors le rôle d’une marche des lesbiennes, comme celle qui se déroule ce samedi ?

Le fait de marcher en ce jour symbolique permet de rendre visible des corps qui étaient, auparavant, confinés à la sphère privée ou qui sont, au quotidien, confinés à l’invisibilité. Cette journée permet de revendiquer une existence dans la société et de sortir de l’invisibilité. Ça permet de se rendre compte qu’on n’est pas seule. Car, au final, on est bien plus nombreuse qu’on ne le pense.

Tous nos articles en lien avec les lesbiennes

Comme pour la marche des fiertés, il y a des personnes qui vont se sentir en sécurité pour tenir la main de leur partenaire, pour sortir en famille, pour s’habiller comment elles l’entendent, aux couleurs de l’arc-en-ciel par exemple, parce que symboliquement c’est un signe de reconnaissance.

Pendant une journée, on peut alors se sentir en sécurité pour exister, pour s’exprimer telle qu’on est et sortir de l’isolement. Ça permet de faire lien avec d’autres lesbiennes parce que les espaces lesbiens de consommation, de sorties, sont très rares. Cette marche permet de prendre conscience de tout ça.



Aller à la source

Pourquoi être lesbienne est encore une prise de risque en 2025 ? Pâte feuilletée maison au yaourt prête en 5 min ! Sans repos ! Juste incroyable ! Cuisson parfaite : Connaissez-vous le temps idéal pour cuire un rôti de porc au four avec chaleur tournante ? – La Belle Assiette Gérald Darmanin envisage de se présenter à la présidentielle de 2027 En réalité, aucun astronaute n’a jamais (vraiment) quitté l’atmosphère terrestre – découvrez pourquoi ! Les dessous de l’infox – #Gazawood #Pallywood: Non, le drame palestinien n’est pas une «mise en scène» George Clooney et Selena Gomez sont dans le Fil des Stars La fin brutale du Pass rail, un coup dur pour les jeunes voyageurs El agua : nuestra fuente de vida La France s’oppose à l’assouplissement des règles relatives aux exportations d’armes intra-UE – Euractiv FR Facturer la moindre question, une nouvelle tendance chez les médecins ? Fruit en E : Liste des fruits qui commencent par E – La Belle Assiette