La licorne montpelliéraine Swile, spécialisée dans les titres-restaurants et autres avantages salariés dématérialisés, publie des résultats 2024, « en forte progression, portés par la dynamique créée par l’intégration de Bimpli », indique-t-elle ce 29 avril. Ce levier stratégique, à l’œuvre depuis le rachat de l’entreprise fin 2022, sera pleinement finalisé en 2025.
« On peut déjà dire que cette intégration est réussie puisque nous annonçons un Ebitda de 36 millions d’euros, soit une augmentation de 257 % (– 23 millions d’euros en 2023, NDLR) », souligne, satisfait, Loïc Soubeyrand, le fondateur (en 2018) et président de Swile.
Alors que le résultat net de la worktech était encore négatif en 2023 (- 31 millions d’euros), il devient positif en 2024 à 2 millions d’euros. Quant au chiffre d’affaires, il grimpe à 204 millions d’euros, soit une hausse de 25 % en un an.
France Travail et le ministère de l’Economie
Sur son activité historique du titre-restaurant dématérialisé, Swile avait, au premier semestre 2024, sécurisé pour quatre ans son contrat avec Carrefour (70.000 salariés) et gagné un des clients historiques de Bimpli, la SNCF, pour huit ans. Depuis, elle a remporté deux marchés publics d’envergure pour quatre ans : France Travail et le ministère de l’Economie et des Finances, soit quelque 90 000 utilisateurs. Les deux étaient déjà des clients Bimpli, que Swile a regagnés sur sa plateforme.
Swile annonce 6 millions d’utilisateurs dans 85 000 entreprises, soit « 39 % de parts de marché sur les titres-restaurants dématérialisés en France », précise Loïc Soubeyrand. En 2024, la worktech revendiquait 500.000 utilisateurs au Brésil, terre de prédilection du titre-restaurant dématérialisé. En 2025, le jeune dirigeant vise le franchissement de la barre symbolique du million d’utilisateurs au Brésil.
Une réforme attendue
En France, une réforme est attendue (avant fin 2026) sur les titres-restaurant, qui pourrait répondre à deux écueils : beaucoup de salariés ont toujours d’importantes sommes d’argent non dépensées sur leurs cartes, et les commerçants affichent un certain mécontentement, les restaurateurs parce qu’une part des flux leur échappe au profit des achats alimentaires dans les grandes surfaces principalement, certains commerçants en raison des commissions rétrocédées aux émetteurs de titres-restaurants (autour de 4 %, en retour du volume d’affaires généré).
Le gouvernement a donc lancé une concertation. Parmi les pistes étudiées : l’utilisation des titres-restaurant les dimanches et jours fériés, la réduction des commissions ou un plafonnement différencié selon le type d’acteur (plus élevé chez les restaurateurs et moins dans les supermarchés).
« On espère que cette réforme aboutira dans les meilleurs délais, commente Loïc Soubeyrand. Le gouvernement a une feuille de route très claire : qu’elle soit au bénéfice des utilisateurs. Chez Swile, nous sommes favorables à l’utilisation le dimanche, d’autant que cela pourrait rediriger les flux vers les restaurateurs. Quant à la réduction des commissions, l’autorité de la concurrence s’est prononcée en faveur de l’arrêt des titres-papier (encore 20 % des titres-restaurant, NDLR) où les commissions sont perçues comme trop élevées, et préconise de ne rien changer sur les titres dématérialisés. »
Des inquiétudes ?
Chez Swile, la commission est de 3,85 % (maximum). Des nouveaux venus ont lancé des prestations sans commission pour les commerçants, le coût étant supporté par les employeurs, comme Lucca (avec des prestations proches de celles de Swile) ou Openeat (avec une application qui détecte les dépenses éligibles aux titres-restaurant et permet de payer directement avec une carte bancaire puis d’être remboursé rapidement de la part employeur).
« Cela ne nous inquiète pas, assure Loïc Soubeyrand. L’intérêt des restaurateurs est d’avoir du volume d’affaires, or si on fait financer les titres-restaurant par les entreprises, elles vont en réduire le recours. Et je rappelle que les commissions n’ont jamais été aussi faibles en soixante ans… Quand on s’est lancé en 2018, le marché des titres-restaurant était de 6 milliards d’euros, et il est aujourd’hui à 10 milliards d’euros. Le vrai sujet qui agace les restaurateurs, c’est de ne pas avoir bénéficié de cette croissance. »
Au Brésil, l’autre marché majeur pour Swile, une information interpelle les acteurs du titre-restaurant : selon un article publié le 25 avril par le journal brésilien O Otimista, le gouvernement étudierait la possibilité d’envoyer des bons de repas directement aux ménages, via l’application de paiement instantané Pix (lancée en 2020 par la banque centrale du Brésil), ce qui pourrait court-circuiter les émetteurs de titres-restaurant. Mais Loïc Soubeyrand, là non plus, n’est pas inquiet : « C’est une rumeur qui va être clarifiée le 1er mai par le gouvernement, et selon nos informations, ça en restera à l’état de rumeur. Désintermédier est un non sens total et ne contribuerait en rien à redonner davantage de pouvoir d’achat aux Brésiliens ».
Réserver et payer
L’autre chantier sur lequel avance Swile, c’est celui de la gestion des frais professionnels, sous la marque Swile Travel. La worktech avait positionné un pion en mai 2022 avec le rachat de la start-up parisienne Okarito. Selon Loïc Soubeyrand, « Swile Travel a déjà séduit plus de 2 000 clients ».
Sur ce créneau, la concurrence est offensive (American Express, Egencia et quelques scale-up comme l’Américaine Navan et l’Espagnole TravelPerk) mais « pas très présente en France et au Brésil », réaffirme aujourd’hui Loïc Soubeyrand.
« Swile Travel sera un relais de croissance long terme, car il existe sur ce marché un gros potentiel qui ne demande qu’à être disrupté du point de vue technologique, ajoute-t-il. La brique qui manque aujourd’hui, c’est la convergence entre réservation et paiement. Nous avons prévu de lancer cette option cette année, et nous avons triplé les effectifs sur le sujet. »
Le dirigeant, qui vise les 230 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025, dit d’ailleurs continuer « tambour battant sur le volet technologique », avec des recruteurs dédiés à la tech qui montent en puissance. Swile emploie actuellement 850 salariés.