
Le Gers est le département d’Occitanie comptant le moins de médecins par rapport au nombre d’habitants et il a perdu près de 20 % de ses généralistes en trois ans, selon le rapport 2023 de l’Insee. Dans le village de Viella, les mesures proposées par François Bayrou pour les déserts médicaux semblent insuffisantes.
Au centre de Viella, il ne reste que la trace de la plaque, à côté de la supérette du village. « Le Dr Lopez est parti il y a environ deux ans et la pharmacie a fermé en suivant », précise Christine, 53 ans, à la caisse du dernier commerce local. Commune du Gers au carrefour des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques, Viella, 520 habitants, résume de fait son département. 225 médecins pour 100 000 habitants en 2023 : qu’on soit à Auch ou ici, en Pacherenc… « Les Gersois restent les plus mal lotis d’Occitanie », résume-t-on des deux côtés du comptoir.
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Ce faisant, l’idée consistant à obliger les médecins à consulter deux jours par mois dans les déserts médicaux ? « C’est insuffisant, c’est a minima deux jours par semaine qu’il faudrait, ici, mais surtout un médecin à temps plein pour le suivi des patients », s’accordent Christine, sa collègue Marion, 25 ans, et Christophe, 58 ans. « Moi, j’ai un médecin depuis 8 jours mais à 25 km et je suis cassé de partout, avec des prothèses aux genoux, aux hanches, aux épaules », constate ce dernier. « Deux jours par mois, ce serait mieux que rien, mais ça ne répond pas à la question. Quand je travaillais à l’ADMR, j’aidais une personne diabétique, amputée d’une jambe, des doigts. Il lui faut un médecin qui connaît son dossier dans la durée. Des remplaçants ‘de passage’, ça ne suffit pas », explique Marion.
Une « idée à creuser, mais… »
Deux jours par mois… Face aux besoins réels, elle secoue la tête. « Ce week-end, une amie se sentait de plus en plus mal avec de la fièvre. On ne lui a rien proposé d’autre qu’un rendez-vous à Eauze, à 40 km, trois quarts d’heure de route. Vu son état, je l’ai conduite aux urgences d’Aire-sur-l’Adour. C’est dans les Landes, mais à moins de 20 minutes. Depuis, elle est hospitalisée : pancréatite. Avec un médecin ici, on n’en serait sans doute pas là… »
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Près du village, Aloïs, 23 ans, jeune agriculteur à Aubous, palisse la vigne familiale. « L’idée d’imposer deux jours par mois, c’est plutôt pas mal, à creuser en tous les cas. Le médecin le plus proche de chez nous est à 15 km et il est débordé, jamais de place. Quand ma mère a eu un problème, elle a dû partir directement aux urgences de Pau, personne pour la prendre dans le coin. Maintenant, un ou deux jours, ça va être compliqué, mieux vaudrait aider à réinstaller quelqu’un », estime-t-il aussi.
Rendre à la Nation
Plus loin, Catherine, 62 ans, et Laurence, 56 ans, font leur marche. Le « bricolage » médical les agace, à force. « Dans le secteur, on en a vu prendre tous les avantages pour s’installer, le temps de repérer où sont la clientèle rentable et de meilleures offres, ensuite, dès qu’ils le peuvent, ils partent. Ça devient des mercenaires », constatent-elles, en substance.
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« Et puis, personnellement, je suis ulcérée par les caprices des futurs médecins », lâche alors Catherine, fille d’ouvriers, quant à l’opposition à toute régulation d’installation. « Quand tu as la chance de faire médecine en France, au plus haut niveau, tu rends à la Nation ce que la Nation t’a payé avec nos impôts. Ce discours de s’installer où on veut sans tenir compte des besoins de son pays, de la société, c’est indécent », s’enflamme-t-elle.
« En 20 ans, on est passé du médecin de famille corvéable à merci à… plus personne. Mais c’est toujours délicat de parler d’une profession qu’on ne connaît pas et qui a ses contraintes », tempère pour sa part Jean Minvielle, maire de Verlus, à côté. Mesures incitatives, salariat ? Pas de solution miracle, constate l’élu, avançant une idée : « que des collectivités puissent allouer des bourses aux étudiants en médecine qui, en retour, les rendront en années à la collectivité qui les a soutenus ». À suivre ?