
Le 30 mars dernier, alors qu’ils participaient à une épreuve de marche nordique de 16 km, des coureurs se sont perdus dans la forêt domaniale d’Olonne-sur-Mer (Vendée). Certains se sont trompés de direction à cause d’une dizaine de balises déplacées et/ou inversées volontairement avant la course. Ce jour-là, le téléphone de Michel Hermouet n’a pas arrêté de sonner. « Les coureurs sont partis à droite, à gauche, je pense qu’une cinquantaine d’entre eux a dû faire quelques kilomètres de plus. A l’arrivée, ils n’étaient pas contents car la course comptait pour le challenge de Vendée », relate l’animateur de la section marche nordique aux Sables étudiant club.
Grande colère également pour le vainqueur final qui a terminé avec huit minutes de plus que lors de l’édition 2024. « C’était très frustrant car ce sont des mois de travail gâchés », rembobine Michel Hermouet. Une sacrée pagaille pour les organisateurs qui ont finalement maintenu le classement chronométré.
« En montagne, une mauvaise direction peut envoyer au bord d’une falaise »
Chaque année, le débalisage sauvage perturbe de nombreuses courses à pied dans l’Hexagone, plus particulièrement des trails. Ce sport outdoor très éprouvant physiquement connaît un engouement sans précédent : en 2024, la barre du million de traileurs chronométrés a été dépassée pour la première fois. Ils sont de plus en plus nombreux à emprunter des sentiers de randonnées en plaine, en montagne et en forêt, parfois sur des terrains privés avec l’autorisation du propriétaire. Mais ces courses longue distance se heurtent à une problématique de conflits d’usage des espaces naturels, fréquentés par une multitude d’acteurs : VTT, moto-cross, promeneurs, chasseurs…
Contactée, la Fédération française d’athlétisme assure qu’elle ne dispose pas de chiffres précis sur ces incivilités. A la louche, Adrien Tarenne, responsable du développement running à la FFA, estime qu’une centaine de courses en serait la cible.
Si ces actes malveillants restent marginaux au vu des 4.900 trails organisés l’an dernier en France, ils sont pris très au sérieux par les organisateurs. Car une rubalise arrachée ou une jalonette subtilisée ne sont pas sans conséquence sur le classement final. On se souvient qu’en 2019 le groupe de tête de la Diagonale des fous sur l’île de La Réunion avait perdu près d’une heure sur leurs poursuivants après s’être planté de chemin. La faute, selon les organisateurs, à un acte de malveillance. « En montagne, une mauvaise direction peut envoyer les participants vers des zones dangereuses comme au bord d’une falaise ou d’un précipice, alerte Adrien Tarenne. Et donc risquer de provoquer des accidents graves ».
Mystérieuses motivations
Qui sont donc les auteurs de ces actes ? Et quelles sont leurs motivations ? Aucun des organisateurs interrogés par 20 Minutes n’a été en mesure de répondre clairement. En Sarthe, Jean-François Gasniet, le directeur du trail VMA 72, suspecte les chasseurs, « et peut être un riverain ou deux », d’être à l’origine d’un débalisage sauvage en 2023. Au total, 40 % des coureurs inscrits sur les deux épreuves (12 km et 21 km) ont déclaré avoir été impactés par cette incivilité.
Cette année-là, le trail qui traverse la forêt de Bercé avait lieu au mois d’octobre en pleine période d’ouverture de la chasse. Un an plus tôt, des coureurs ont croisé sur leur parcours des chasseurs que les organisateurs n’avaient pas été en mesure de prévenir au préalable.
A 700 km de là, le trail du lac d’Annecy, la Maxi-Race, est, lui aussi, touché par ce problème « récurrent ». « Ce n’est jamais sur les mêmes secteurs et pour des raisons pas toujours bien identifiées », observe Stéphane Agnoli, son directeur depuis sa création en 2011. Plusieurs mois avant la course, son équipe rencontre pourtant tous les propriétaires des terrains traversés (alpagiste, gestionnaires de forêt, particuliers…) afin d’obtenir des autorisations de passage. « Si un acteur ne veut pas que l’on passe chez lui, alors on passe ailleurs. C’est pour moi impossible de désigner des personnes susceptibles de vouloir nous faire des misères. Cela reste mystérieux. »
Peinture au sol, tracé GPX sur le téléphone
Sécuriser un parcours qui s’étend sur des dizaines de kilomètres n’est pas une chose aisée. Mais les organisateurs visés par ces actes mesquins semblent avoir trouvé la parade. Pour sa prochaine édition, la Nordic’Olonne prévoit d’envoyer un quart d’heure avant la course des bénévoles repérer le parcours, emportant dans leur sac quelques balises.
De son côté, la VMA72 a ajouté à son dispositif de signalisation des balises fluo suspendues aux arbres. Et dans la mesure du possible, il emploie de la peinture à la craie au sol. Quant à la Maxi-Race, une équipe d’urgence a été mise en place en 2021 suite à la hausse des actes malveillants. Son objectif ? Intervenir le plus rapidement devant la tête de course lorsqu’un débalisage lui a été signalé. Et lutter contre les autres incivilités qui pourraient perturber la course.
Enfin, certains organisateurs mettent à disposition le tracé GPX du parcours aux participants la veille du départ. A condition d’accepter de courir avec son téléphone ou d’avoir une montre connectée !