
Il compose en permanence près de 80 % de l’air que nous inspirons dans nos poumons, mais ne reste pas moins toxique, et parfois mortel en certaines occasions. L’azote, qui a tué une jeune femme et intoxiqué très grièvement une autre ce lundi dans une salle de sport de Paris, est un gaz inerte, incolore et inodore qui passe à l’état liquide lorsqu’il est refroidi au-delà de -196 °C.
Utilisé par cryothérapie dans les processus de soin et de récupération pour les sportifs, il n’est pas sans danger. Il peut aussi faire l’objet d’usages détournés.
La dose fait le poison
On le disait, l’azote compose naturellement 78 % de l’air que nous respirons (pour 21 % d’oxygène). Et comme chacun le sait, le composant important de l’air pour nous êtres humains reste l’oxygène.
En conséquence, une fuite d’azote « peut suffire à appauvrir la zone en oxygène et créer un danger d’anoxie qui peut être fatal », nous renseigne sur son site Air Liquide, un leader mondial des gaz, des technologies et des services pour l’industrie et la santé.
C’est ce qu’il semble s’être produit sans la salle de sport parisienne où la cuve de cryothérapie venait d’être remise en service après avoir subi des réparations un peu plus tôt dans la journée. La fuite du gaz inodore dans cet espace confiné à vraisemblablement conduit à l’asphyxie des victimes. « Pour des concentrations en oxygène en dessous du seuil de 18 %, il y a un risque d’évanouissement rapide sans possibilité de réaction jusqu’au décès », avertit Air Liquide.
Quels usages (et bienfaits) pour les sportifs
L’effet bénéfique du froid pour favoriser la récupération sportive et la guérison des coups et petites lésions musculaires et articulaires provoquées par l’activité sportive est connue de longue date. Mais le temps des baignoires à glaçons a semble-t-il laissé sa place aux cuves de cryothérapie.
Si cette technique a été présentée dès 1979 par un chercheur japonais, d’abord pour soigner les rhumatismes, elle a gagné progressivement le monde sportif de très haut niveau au début des années 2000 avant d’apparaître en France au milieu des années 2010 dans des espaces accessibles au grand public avec des cryosaunas. Ces dispositifs favorisent la récupération musculaire, aident à réduire l’inflammation et à diminuer les courbatures, ou encore stimulent également la circulation sanguine et favorisent l’élimination des toxines.
Concrètement, un cryosauna fonctionne « par l’évaporation d’azote liquéfié provenant du réservoir cryogénique extérieur. La température se situe entre -120 et -150 °C », explique le site de la médecine du sport.
Ce dernier poursuit : « Un système d’extraction des gaz est installé pour aspirer les vapeurs d’azote émises lors du fonctionnement de l’appareil. Lors d’une séance, l’utilisateur de la cabine est vêtu de vêtements de protection obligatoires : des gants et des chaussettes de coton épais, ainsi qu’un maillot de bain en coton. L’utilisateur, debout, n’est immergé que jusqu’aux épaules, avec la tête au-dessus du niveau des gaz froids, ce qui lui permet de respirer l’air ambiant. » La durée d’exposition est d’ordinaire de deux à trois minutes.
Quels contrôles et encadrements ?
Une note publiée par Association française des gaz comprimés (AFGC), rappelait dans une note de 2016 que « l’activité de cryothérapie n’est pas reconnue officiellement par le corps médical français et […] ne fait donc l’objet d’aucun contrôle par les autorités sanitaires ».
La législation a légèrement évolué, et si la cryothérapie lorsqu’elle a des visées médicales ne peut être dès lors pratiquée uniquement par du personnel médical, son usage à des fins esthétiques, ou de bien-être (donc le sport) n’est pas restreint, précise la mutuelle des professionnels de santé (MACSF), après deux arrêts de la Cour de cassation de mai 2022.
L’installation d’un cryosauna s’accompagne toutefois de consignes de sécurité : un détecteur d’oxygène, un système d’arrêt d’urgence, un système de ventilation et d’extraction de l’azote vers l’extérieur dans une zone sûre, développe un document de 2019 de l’AFGC.
Des usages détournés
Ainsi, deux chercheurs marseillais du CNRS avaient utilisé ses propriétés de dilatation lors de son passage de l’état liquide à gazeux pour créer deux petites « explosions », sans dégâts, visant le consulat russe de Marseille au jour du 3e anniversaire de la guerre en Ukraine.
Aussi, lorsqu’il est conditionné avec un atome d’oxygène, l’azote, devenant dès lors du protoxyde d’azote est employé en restauration, notamment pour faire monter les chantillys et autres mousses. Sous cette forme, son usage est détourné à des fins récréatives, comme gaz hilarant et planant par inhalation. Une hilarité et un état proche de la perte de connaissance dus à la sous-oxygénation temporaire du cerveau qui n’est pas sans pouvoir laisser des séquelles et une addiction.