Que savait le Vatican sur l’abbé Pierre ?


L’Eglise de France « va se rapprocher » du Vatican pour « faire la lumière » sur ce qui était précisément connu, y compris à Rome, concernant les accusations de violences sexuelles visant l’abbé Pierre, après la publication de nouveaux éléments « dont elle n’avait pas connaissance ».

« Les éléments mis au jour sont graves, et méritent d’être creusés, pour comprendre ce qui s’est passé, et quel a été le comportement des évêques français » en responsabilité à l’époque, a indiqué jeudi la Conférence des évêques de France (CEF).

Des archives montrent que le Vatican était au courant des agissements de l’abbé Pierre

Dans un livre publié jeudi aux éditions Allary, abbé Pierre, la fabrique d’un saint, les journalistes Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin racontent avoir consulté des archives du Vatican montrant que le Saint-Siège était au courant « dès l’automne 1955 » des agissements de l’abbé Pierre, décédé en 2007, visé depuis 2024 par une série d’accusations d’agressions sexuelles.

Les deux journalistes font notamment état d’une lettre du Vatican datée du 11 novembre 1955 envoyée à Alexandre Renard, l’évêque de Versailles, pour le sommer d’ouvrir « une procédure judiciaire ».

« Il semble que les relations ‘inhonestae'[déshonorantes] de l’abbé ont été moins graves qu’il n’a été dit », répond toutefois Alexandre Renard, qui insiste parallèlement sur le fait qu’en France le prêtre est devenu « un symbole aux yeux des masses qu’il galvanise à la manière d’un prophète ».

Demande d’ouverture de « toutes les archives »

Véronique Margron, la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, association catholique représentant près de 480 instituts religieux, a demandé jeudi l’ouverture de « toutes les archives » sur l’abbé Pierre, y compris celles du Vatican, pour permettre aux chercheurs de « travailler » sur ses agissements et « l’impunité » dont il a bénéficié.

« Des responsables non seulement ont vu, mais ont voulu agir. Et rien ne s’est passé, d’autres ont voulu le protéger », a affirmé la théologienne, pour qui « les victimes de l’abbé Pierre n’auraient jamais dû croiser cette route de malheur ».

« Une bonne chose que la vérité puisse être faite », estime la Conférence des évêques

La CEF annonce qu’elle « va se rapprocher de la Nonciature (ambassade du Saint-Siège) et du Vatican pour faire la lumière sur ces éléments dont elle n’avait pas connaissance, n’en ayant nulle trace dans ses archives ».

C’est « une bonne chose que la vérité puisse être faite », et c’est d’ailleurs pour cela que la CEF a ouvert « les archives du Centre national des archives de l’Église de France (CNAEF) dès septembre 2024, et demandé au Saint-Siège d’enquêter dans ses archives », souligne jeudi la Conférence des évêques.

L’Eglise a gardé le silence pendant des années

Longtemps figure iconique de la défense des démunis, Henri Grouès, de son vrai nom, était visé fin janvier par 33 accusations de violences sexuelles, certaines émanant de personnes qui étaient des enfants au moment des faits présumés. Ces agressions sexuelles et viols, commis entre les années 1950 et 2000, ont été révélés dans trois rapports depuis juillet 2024.

En France, les archives de l’Eglise, ouvertes mi-septembre de façon anticipée face à l’émotion suscitée, ont montré comment, dès les années 1950, la hiérarchie épiscopale avait gardé le silence sur un comportement jugé « problématique » mais jamais nommé.

Notre dossier sur l’abbé Pierre

Le pape François avait assuré en septembre que le Vatican était au courant, au moins depuis la mort de l’abbé Pierre en 2007, des accusations de violences sexuelles.



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