Les paris en ligne explosent autour du successeur du pape François sur la plateforme Polymarket. Le site américain, très prisé lors de la présidentielle américaine et qui se présente comme le « plus grand marché de prédiction au monde », a indiqué jeudi dernier avoir déjà recueilli plus de 5,7 millions de dollars (5 millions d’euros) de paris.
L’Italien Pietro Parolin, secrétaire d’État et numéro 2 du Saint-Siège, y est donné en tête à 29 % ce lundi. Il est talonné par le cardinal philippin Luis Antonio Tagle (20 %). Derrière eux viennent l’Italien Matteo Zuppi, l’archevêque de Bologne qui a été l’envoyé spécial du défunt pape pour la paix en Ukraine (13 %), et le Ghanéen Peter Turkson (11 %).
Si l’Église catholique voit les jeux d’argent d’un œil critique, les paris sur les « papabili », ces cardinaux qui ont la plus grande probabilité d’être élu pape, ont cours depuis des siècles. Mais avec Polymarket, la nature des paris a évolué. Lancée en 2020, la plateforme permet en effet de parier en utilisant des cryptomonnaies USD Coin (USDC).
Grâce à cette devise numérique rattachée au dollar américain, les bookmakers achètent et vendent des actions. « Les cotes représentent la probabilité actuelle qu’un événement se produise » et « sont déterminées par le prix auquel les autres utilisateurs sont disposés à acheter et vendre ces actions », explique Polymarket sur son site.
Un « paysage réglementaire incertain »
Selon Leighton Vaughan Williams, professeur d’économie et de finance à la Nottingham Business School (centre de l’Angleterre), les plateformes comme Polymarket représentent un « changement significatif » dans l’univers des papabili en attirant plus de paris, tout en naviguant dans un « paysage réglementaire incertain ».
La plateforme est théoriquement interdite aux résidents américains. En France, l’Autorité nationale des jeux (ANJ) a également annoncé fin novembre l’interdiction de Polymarket, considérée comme une offre illégale de jeu d’argent. Mais cette interdiction est facilement contournable à l’aide d’un VPN.
Polymarket ne permet pas uniquement de parier sur le futur souverain pontife. Le 20 février dernier, près de 950 000 dollars avaient déjà été misés sur la mort du pape François après que le Vatican avait révélé deux jours plus tôt qu’il souffrait d’une « pneumonie bilatérale » et affichait un « tableau clinique complexe ». Élections, sport, culture… Les bookmakers peuvent aussi miser sur le futur Premier ministre canadien, la décision de la Fed en mai, ou encore une invasion du Pakistan par l’Inde avant juillet.
Polymarket se dit« plus précis que les sondages »
Surtout, Polymarket avait prédit la victoire de Donald Trump lors de la présidentielle américaine en novembre dernier. Comme d’autres sites de paris, Polymarket donnait un avantage marqué au républicain avant l’élection, contredisant les sondages qui le donnaient au coude-à-coude avec la candidate démocrate Kamala Harris.
Sur son site, Polymarket se vante d’ailleurs d’être « la meilleure source de probabilités d’événements en temps réel ». « Les marchés prédictifs sont souvent plus précis que les experts, les sondages et les experts », avance-t-elle, ce que confirmait en octobre dernier Thomas Miller, data scientist à l’Université Northwestern, au média Fortune.
Et pour cause, « les traders agrègent les actualités, les sondages et les avis d’experts, réalisant ainsi des transactions éclairées », selon Polymarket. « Leurs incitations économiques garantissent que les prix du marché s’ajustent aux probabilités réelles à mesure que des participants plus avertis rejoignent le marché », peut-on lire sur le site.
Des prévisions souvent« incohérentes »sur le pape
Reste à voir si la plateforme sera capable de prédire le nom du futur pape. Car avant Polymarket, les prévisions en la matière étaient loin d’être fiables. Elles sont même parfois « incohérentes », souligne Leighton Vaughan Williams, dont la réflexion s’appuie sur une étude publiée en 2015 et dans laquelle près de 500 ans de paris sont compilés.
En 2013, année de l’élection du pape François, les favoris étaient l’Italien Angelo Scola et le Ghanéen Peter Turkson. Le pape argentin était loin derrière, se classant jusqu’à la 40e place chez certains bookmakers.