Pourquoi les données du satellite européen Biomass, qui va cartographier les forêts tropicales, vont être précieuses

Placé à environ 666 km d’altitude, le satellite va observer les massifs forestiers sous plusieurs angles, pour mesurer leur capacité à absorber du carbone.

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Image d'illustration montrant le satellite européen Biomass, qui doit être lancé le 29 avril 2025, en orbite autour de la Terre et survolant une forêt. (ESA / ATG MEDIALAB)

Image d’illustration montrant le satellite européen Biomass, qui doit être lancé le 29 avril 2025, en orbite autour de la Terre et survolant une forêt. (ESA / ATG MEDIALAB)

Un nouvel outil pour surveiller les forêts de la Terre. Le satellite européen Biomass doit être lancé, mardi 29 avril, depuis le port spatial de Kourou, en Guyane, à bord d’une fusée Vega-C. Cet appareil a été spécifiquement pensé pour observer les forêts des zones tropicales : à une altitude d’environ 666 km, il va les cartographier, en 3D et sous plusieurs angles, pour mesurer leur biomasse – la quantité totale de matière d’origine organique (animale ou végétale) –, donc leur capacité d’absorption du carbone. Franceinfo résume pourquoi les données produites vont être cruciales pour mieux comprendre l’état de santé de notre planète.

Parce que les puits de carbone sont défaillants

La lutte contre le réchauffement climatique, lié aux activités humaines, passe notamment par la neutralité carbone, c’est-à-dire l’équilibre entre la quantité de gaz à effet de serre émise et celle que la Terre peut absorber, principalement via les forêts et les océans. « Ce n’est qu’à partir de ce moment que les quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère se stabiliseront, et que les températures pourront se stabiliser », résume sur franceinfo François Gemenne, président du conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’homme, et membre du Giec.

Pour parvenir à la neutralité carbone, il convient donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre et, dans le même temps, de préserver les puits de carbone, autrement dit l’ensemble des écosystèmes naturels qui stockent du carbone sur le temps long.

Problème : en plus des émissions de gaz à effet de serre qui ne ralentissent pas du tout à la vitesse escomptée, les puits de carbone de la Terre sont défaillants. En 2023, ils n’ont englouti qu’un quart de ce qu’ils captent habituellement sur un an. « En France, le puits de carbone a diminué de 50% », alerte sur franceinfo Hubert Schmuck, agent de l’Office national des forêts (ONF), évoquant des forêts frappées par des incendies, fragilisées par les sécheresses ou encore des insectes ravageurs qui profitent de cette faiblesse des arbres. « Nos forêts sont en danger, nous avons besoin de ces données », tranche auprès de l’agence de presse Reuters Michael Fehringer, l’un des responsables de Biomass à l’Agence spatiale européenne (ESA).

Parce que le rôle des forêts dans le cycle du carbone reste mal connu

Selon les estimations des experts, la Terre parvient à absorber la moitié des émissions humaines de dioxyde de carbone (le CO2, principal gaz à effet de serre), avec environ un quart capté par les sols et les forêts, et un autre quart assimilé par les océans. Le reste s’accumule dans l’atmosphère.

Mais ces proportions manquent de précision. Il y a « des trous dans la raquette », avait déclaré Thierry Koleck, chef de projet Biomass au Centre national d’études spatiales (Cnes), lors d’une conférence à Montpellier (Hérault), en 2021. « L’erreur que l’on fait sur les valeurs est assez importante. » Pour les puits de carbone, l’incertitude sur leur impact est d’environ 25%, avait exposé Klaus Scipal, responsable de la mission Biomass du côté de l’ESA, en 2023.

« Biomass va faire baisser nos incertitudes sur la quantité et la répartition de la biomasse forestière », se félicite Thuy Le Toan, investigatrice principale du satellite, dans un communiqué du Cnes. Biomass permettra ainsi de connaître avec davantage de précision « les stocks de carbone piégé dans les forêts et leurs variations, causées par les activités humaines et le climat ».

Parce que des informations d’une richesse inédite vont être récoltées

Plusieurs satellites permettent déjà d’estimer la capacité d’absorption des forêts terrestres, notamment des appareils Sentinel appartenant à la flotte de l’observatoire européen Copernicus. Mais Biomass va recourir à un instrument qui n’a encore jamais été utilisé dans l’espace : un système P-Band SAR, disposant d’une onde radar qui « peut pénétrer les couverts forestiers jusqu’à 40 m de profondeur, et traverser le feuillage pour voir la biomasse logée dans les branches et les troncs », écrit l’agence spatiale française. 

L’engin va produire trois types de données : des chiffres sur la biomasse contenue dans les troncs et les branches (avec une carte mise à jour deux fois par an), une estimation de la hauteur des forêts (donc de leur masse globale), un suivi des perturbations affectant les forêts, c’est-à-dire les processus de déforestation, le changement d’utilisation des sols, les incendies puis la repousse. Encore une fois, certains satellites Sentinel peuvent déjà suivre ces évolutions, mais Biomass va s’y consacrer pleinement, avec une précision inédite, et ce, pendant au moins cinq ans.


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