Port d’arme discret, contrôles à blanc, formations… la police de l’environnement sommée de faire profil bas face à la colère agricole

Le 7 avril dernier, une voiture d’un agent de l’Office français de la biodiversité (OFB) a été bloquée et taguée «Office français de la bêtise» devant une gendarmerie dans le Gers. Depuis plusieurs mois, l’OFB (aussi surnommé la «police de l’environnement») est sous le feu de la colère d’une partie du monde agricole, qui lui reproche des contrôles humiliants à répétition.

Un agent de l’Office français de la biodiversité, le 22 février 2025 à Arboussols (Pyrénées-Orientales). © Jean-Christophe Milhet/Hans Lucas via AFP

Pour désamorcer ces tensions, les ministres de l’agriculture et de la transition écologique, Annie Genevard et Agnès Pannier-Runacher, étaient en déplacement ce jeudi 17 avril sur un site de l’OFB dans les Yvelines, pour présenter dix mesures de sortie de crise élaborées par la direction de l’organisme.

Au cœur des tensions : le «port d’arme discret»

Plusieurs syndicats agricoles, comme la FNSEA et la plus droitière Coordination rurale, reprochent aux agent·es de la police de l’environnement d’être armé·es lors des contrôles. Pour y remédier, la direction de l’OFB va enjoindre ses agents à adopter un «port d’arme discret» lorsqu’elles et ils se rendent dans des exploitations agricoles. «Le matériel est caché sous la veste ou le pantalon, mais l’arme elle-même ne change pas», détaille le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, qui a validé la proposition.

En réalité, ce «port d’arme discret» est déjà demandé aux agent·es depuis une circulaire ministérielle de décembre 2024, et il provoque à lui seul l’ire des agent·es de la police de l’environnement.

Sylvain Michel, représentant syndical (CGT) à l’OFB estime qu’il s’agit d’une «menace pour la sécurité des agents» : «On accède moins rapidement à son arme si on a besoin de se défendre, et c’est toujours utile dans des cas exceptionnels, car on peut tomber sur des personnes en situation de désespoir qui peuvent recourir à la violence». Selon nos informations, en interne, plusieurs syndicats de l’OFB ont déjà appelé les agent·es à refuser ce nouveau matériel «discret».

Des caméras embarquées et une «inspection générale» au sein de l’OFB

Autre mesure censée apaiser les contrôles dans les fermes, le port de caméras individuelles. «Quand le ton monte, on prévient la personne qu’on déclenche l’enregistrement, ça peut être un moyen proportionné de faire baisser la tension», explique Paul-Emilien Toucry, représentant du syndicat SNAPE-FO, qui note que les avis sont partagés sur cette mesure. «Ça peut aussi rendre les gens plus agressifs, et c’est un équipement supplémentaire qui entrave notre rapidité d’intervention», note Sylvain Michel.

Autre mesure : la mise en place d’un guichet et d’une adresse mail pour signaler les contrôles qui se seraient mal déroulés. À l’instar de l’Inspection général de la police nationale (IGPN) censée contrôler, comme son nom l’indique, la police nationale, une «inspection générale» au sein de l’OFB va être créée pour «enquêter sur ces interventions problématiques».

Fiches pratiques, formations, campagne de communication…

Le reste des mesures élaborées par l’OFB consiste à faire plus de pédagogie auprès des agriculteur·ices : création de «fiches pratiques» pour mieux expliquer la réglementation, «formation des inspecteurs de l’environnement aux enjeux agricoles et des agents de développement des chambres d’agriculture aux enjeux de biodiversité» sur cinq ans, «large campagne de communication sur les enjeux de la protection de l’environnement», «colloque national sur la police de l’eau et de la nature»

Des «contrôles à blanc à visée pédagogique» seront également instaurés une fois par an. Ces simulations auprès des agriculteur·ices doivent permettre «un dialogue autour de l’application de la réglementation et une bonne compréhension des cas pratiques», selon la direction de l’OFB, qui précise que cet exercice a déjà été expérimenté avec succès dans l’Oise.

«La pédagogie, on en fait déjà au quotidien, rappelle Sylvain Michel. Quand on peut résoudre un problème par de la sensibilisation, on le fait volontiers, mais le risque serait de fermer les yeux sur une partie des infractions au nom du droit à l’erreur, qui semble réservé aux agriculteurs».

«Une distorsion de traitement des usagers qui n’est pas compatible avec les valeurs de la République»

Une dernière mesure propose de réfléchir à une «revue des normes et échelles des peines». Destruction d’espèces protégées, de haies, pollutions… l’objectif est d’«aller plus simplement vers des sanctions administratives quand l’infraction est moins grave», selon le cabinet du ministère de la transition écologique. Le gouvernement avait déjà tenté de dépénaliser certaines destructions d’espèces protégées dans un article de la loi d’orientation agricole, qui a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel (notre article).

«Quelles que soient les mesures prises par l’OFB, elles n’auront aucune incidence sur les principaux problèmes des agriculteurs : difficultés du métier, problèmes financiers, perte de sens…», liste Paul-Emilien Toucry. Sylvain Michel dénonce quant à lui une «distorsion de traitement des usagers qui n’est pas compatible avec les valeurs de la République», rappelant que l’OFB verbalise aussi les chasseur·ses, les industriels, les promeneur·ses…

L’ensemble des syndicats représentant les agent·es de l’OFB ont boycotté la dernière réunion du comité social d’administration de l’organisme, durant laquelle étaient censées être votées ces dix mesures. Deux mois après une grève historique pour dénoncer les attaques de certain·es agriculteur·ices et le manque de soutien du premier ministre – qui a depuis envoyé une lettre pour assurer sa «confiance» aux agent·es –, la police de l’environnement n’exclut pas de nouvelles actions.



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