La startup montpelliéraine Tellus AI a changé de nom en janvier dernier pour devenir Celest Science. Créée en 2023 par Léo Lemordant, ancien fondateur de la plateforme d’épargne participative dédiée à la transition énergétique Enerfip, et Pierre Gentine, hydrologue à Columbia University (New York), elle développe une solution dopée à l’intelligence artificielle capable d’estimer et d’anticiper les risques météorologiques à impact (sécheresses, inondations, vagues de chaleur ou de froid, etc.) sur des horizons temporels de deux semaines à six mois. Elle prétend ainsi combler le fossé entre les prévisions météo à court terme et les scénarios climatiques de long terme, s’adressant « essentiellement à deux verticales : les assurances et l’énergie », explique Léo Lemordant.
Ce 17 avril, le dirigeant annonce avoir bouclé sa première levée de fonds, de deux millions d’euros, auprès de Astorya.vc et Plug and Play, avec le soutien de seize business-angels comme Stéphane Guinet (ancien membre du comité exécutif du groupe AXA, CEO de Kamet Ventures), Christophe Neves (Chief Risk Officer chez Skyline, anciennement chez AIG), Éric Mignot (CEO & co-fondateur de +Simple), Didier Valet (Associé fondateur de Varsity.vc, ancien directeur général délégué de la Société Générale) ou Armando Mann (ancien cadre chez Dropbox et Google).
Modules inondations et grêle
L’entraînement des algorithmes de Celest Science se fait sur la base de données météorologiques publiques de 1981 à 2022, et la solution fournit « une estimation de statistiques du risque », en modélisant les interactions complexes entre l’atmosphère, les océans et les systèmes terrestres.
« La levée de fonds va nous permettre d’accélérer le développement technologique, détaille Léo Lemordant. Après une grosse phase de R&D et un partenariat réussi avec l’assureur Zurich, nous continuons à améliorer les performances de nos modèles, et nous allons ajouter successivement des modules qui adresseront des risques spécifiques comme les retraits-gonflements d’argile, les inondations et la grêle, en plus des modules existant sur la sécheresse, les vagues de chaleur et les rendements agricoles. »
La start-up prévoit ensuite de travailler sur l’horizon suivant, le « 12 mois-10 ans » « pour l’estimation de probabilité d’événements, correspondant à celui de l’action des décideurs économiques ».
La situation aux Etats-Unis, et les brutales coupes budgétaires et autres interruptions de programmes dans la recherche opérées par Donald Trump créent toutefois des interrogations : « L’accès réduit à certaines données pourrait être un problème », reconnaît Léo Lemordant.
Risque de pénurie
L’autre fléchage de la levée de fonds portera sur la stratégie de mise sur le marché. La commercialisation a démarré et le dirigeant revendique deux clients, dont il tait les noms, et « des marques d’intérêt prononcées sur les verticales assurance et énergie ». L’entreprise a d’ailleurs été sélectionnée par le programme d’accélération du groupe d’assurance Allianz pour y travailler.
La solution de la start-up arrive sur un marché en expansion. Léo Lemordant illustre les possibles intérêts : « Durant le premier hiver de la guerre Ukraine, RTE communiquait chaque jour sur le risque de pénurie d’électricité, sans visibilité à plus de dix jours. Notre modèle aurait pu donner une probabilité de risque de pénurie fort ou faible au-delà… L’énergie est beaucoup drivée par le gaz et les enjeux de stocks sont très importants, et pour bien les anticiper, il peut être nécessaire d’avoir des prédictions sur un pas de temps moyen ».
Les enjeux de l’assurance
Selon le réassureur Swiss Re, les catastrophes naturelles ont engendré 280 milliards de dollars de dégâts en 2023 dans le monde, dont 108 milliards de dollars couverts par les compagnies d’assurance. En France, les sinistres liés au climat ont coûté 6,5 milliards d’euros en 2023, selon France Assureurs. Et si le débat sur l’assurabilité des biens est monté aux Etats-Unis, c’est aussi le cas en France.
Des compagnies d’assurance françaises, des collectivités ou de grands groupes utilisent déjà des outils pour réduire le risque climatique, notamment celui développé par Predict Services pour la gestion opérationnelle du risque météorologique extrême de court terme. Mais quelque 1 500 communes françaises n’étaient pas assurées début 2025, selon l’Association des maires de France, notamment du fait de la hausse des tarifs. Le 14 avril, le Premier ministre a d’ailleurs annoncé le lancement d’une « cellule d’accompagnement des collectivités » qui sera chapeautée par le médiateur des assurances.
« Parallèlement, de nouvelles régulations européennes s’imposent sur les risques climatiques, liées à la CSRD (visant à renforcer la transparence et à responsabiliser les entreprises sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance, NDLR). Notre intuition, c’est que dans quelques années, de grands pans de l’économie auront besoin d’outils estimant mieux leur risque climatique pour les six mois à deux ou trois ans à venir. Des entreprises subissent déjà des ruptures importantes sur leur chaîne d’approvisionnement à cause d’événements climatiques, comme Porsche l’été dernier qui a enregistré des retards de production en raison d’une inondation qui a touché l’usine de l’un de ses fournisseurs d’aluminium… »