
Imaginez devoir vivre six mois dans une grande boîte en aluminium, sans fenêtre, avec six autres personnes et sans pouvoir changer de vêtements tous les jours. Ce décor peu séduisant à première vue est celui de la Station spatiale internationale (ISS), qui abrite en permanence sept astronautes. Le laboratoire orbital, occupé en continu depuis novembre 2000, a accueilli à ce jour 283 personnes différentes. Elles y ont toutes mangé, dormi, respiré, transpiré et travaillé pendant des mois voire un an en total confinement. Et une question nous taraude : est-ce que l’ISS sent aussi mauvais que l’on pourrait imaginer ?
De nombreux astronautes ont déjà répondu à la question, à commencer par notre Thomas Pesquet national. Pour le Français, interrogé par Quotidien le 17 janvier 2022 après la fin de sa deuxième mission, « ça sent majoritairement le renfermé ». Rien de bien surprenant quand on connaît les conditions de vie dans l’ISS : sept personnes dans un espace clos, des vêtements portés pendant plusieurs semaines, pas de vraies douches et, évidemment, impossible d’ouvrir les fenêtres – il n’y en a pas, à part la coupole d’observation – pour aérer.
Des coins plus odorants que d’autres
L’astronaute italienne Samantha Cristoforetti, qui a séjourné dans l’ISS à deux reprises, a indiqué sur son compte X (en anglais) avoir senti, en rentrant sans la Station la deuxième fois, une « odeur très particulière » qui l’a « immédiatement ramenée aux souvenirs et sensations » de sa première mission. Si « l’ISS a une odeur agréable », elle pointe du doigt « quelques endroits [qui] peuvent devenir un peu malodorants ». L’un « près des ordures » stockées dans des vaisseaux cargo. Un autre vers les « grands sacs bleus » dans lesquels sont entreposés les contenants de déchets solides des toilettes. Ou encore à côté des aérations du système qui évapore l’eau des urines, qui sont traitées pour être consommées.
Un tableau olfactif dans le même ton que celui dressé par l’astronaute américain Scott Kelly, qui a déclaré à Wired en 2017 (en anglais) qu’une pièce d’une prison qu’il visitait « sentait comme la Station spatiale : un mélange d’antiseptique, de poubelle et d’odeurs corporelles », décrivant que les odeurs ont tendance à stagner en l’absence de gravité. Un autre astronaute américain, Clayton Anderson, a déclaré sur le forum Quora que « les affaires de sport trempées de transpiration » en train de sécher avaient tendance à produire une « odeur de vestiaire », et que « des odeurs de nourriture étaient aussi présentes », sans être « surpuissantes ».
Une odeur pas si dérangeante
Malgré ces odeurs ponctuelles ou très localisées, tous sont formels : c’est supportable. Samantha Cristoforetti dit s’être « habituée en quelques jours » à l’odeur de la Station. « L’ISS n’a pas d’odeur particulière » pour elle.
D’autant que l’odorat des astronautes est comme mis en veille en l’absence de gravité : « On perd un peu de sens olfactif parce qu’on a les fluides qui se distribuent différemment, on a la tête un peu comme quand on est enrhumés […], donc on ne sent pas énormément ce qui se passe dans l’ISS. Et je pense que c’est tant mieux », avait déclaré Thomas Pesquet dans son entretien à Quotidien.
Une « overdose de sensations »
Le salut des occupants du laboratoire orbital vient aussi de son système de ventilation, dont les filtres « sont vraiment très bien », d’après l’astronaute italienne. Assez complexe, le dispositif, composé de deux unités, est conçu pour absorber 216 contaminants différents. Ces derniers, issus de la nourriture, des astronautes, des expériences scientifiques ou du dégazage de différents équipements, sont soit rejetés dans l’Espace, soit absorbés, notamment grâce à un lit de charbon actif.
Le tout permet aux habitants de l’ISS d’évoluer dans un « environnement globalement sans odeur », estime Clayton Anderson. Un milieu neutre propice à une « overdose de sensations » lors de leur retour sur Terre, comme l’a décrit Thomas Pesquet après ses deux missions. « Les membres de l’équipage venus nous récupérer [dans la capsule Crew Dragon] sentaient super bon la lessive et le savon », avait-il déclaré juste après être revenu sur le plancher des vaches, en 2021. En 2017, il avait également évoqué « les odeurs de la steppe, de l’herbe mouillée » qu’il a senties dès l’ouverture de la porte de la capsule. Une sensation d’air frais qu’on imagine revigorante après six mois en vase clos.