« Le réel est ce qui résiste », écrivait Clément Rosset.
Il résiste aux dogmes et aux injonctions morales qui tiennent lieu aujourd’hui de politique industrielle, du moins pour certains. Et le réel s’est exprimé récemment, notamment par la voix du directeur général de Safran, Olivier Andriès.
En effet, l’un des groupes industriels les plus stratégiques du pays annonce qu’il n’investira plus dans les villes où les écologistes font partie des majorités municipales ! Ce n’est pas une provocation. Ce n’est pas un « coup de com ». C’est un constat d’échec. Et c’est un signal d’alarme qu’il serait irresponsable de ne pas entendre.
L’affaire rennaise en est l’illustration absurde. Safran annonce en 2024 un projet de nouvelle fonderie d’aubes de turbines, devant permettre la création de 500 emplois à horizon 2029 sur un site qui respectait la loi zéro artificialisation nette des sols (ZAN). En retour ? Des élus écologistes qui conspuent le projet, l’accusent de pollution et en viennent à l’hostilité physique. Des tomates sont lancées au visage de l’industriel. Le symbole est affligeant. Il dit tout du climat des affaires actuel en France, celui de la défiance organisée contre ceux qui produisent.
Pire encore ? Sandrine Rousseau, député à l’Assemblée nationale et sur les réseaux sociaux, enfonce le clou ce matin-même.
Je la cite, « l’aviation n’est pas une industrie d’avenir, […] 500 emplois pour quoi faire ? De quelle pérennité ces emplois sont-ils le nom ? Si c’est pour détruire la planète, on a 500 emplois qui vont durer un temps très court et n’auront pas de débouchés industriels intéressants ».
Après les jets de tomates, nous avons droit aux crachats
Quelle est la prochaine étape ? Fusiller les industriels en place publique parce qu’ils ne correspondent pas aux utopies des extrémistes écologistes ? Nous sommes manifestement devenu le pays de l’auto-sabotage volontaire et assumé. Mais si Sandrine Rousseau a décidé de tuer notre industrie, les gens raisonnables et responsables, eux, ont décidé d’agir en conséquence.
Pendant que certains jettent des légumes, d’autres créent des emplois. Et il serait temps que le pays choisisse son camp. Car l’industrie n’est pas un problème, au contraire, c’est la cheville ouvrière de notre puissance économique, de notre souveraineté et de notre transition écologique. Le secteur manufacturier ne représente plus qu’environ 10 % de l’emploi total en France. Contre 23 % avant la présidence de François Mitterrand en 1980.
En termes de valeur ajoutée (VA), ce même secteur manufacturier ne représente plus que 10% du PIB aujourd’hui, contre 20% il y a quarante ans. Pendant que nous avons délocalisé, encadré de normes et culpabilisé, l’Allemagne a investi, produit, exporté. Ce n’est pas une fatalité. C’est un choix. Face à cela, le discours creux ne suffit plus. Un pays qui refuse les usines accepte le chômage et les déficits commerciaux. Un pays qui insulte ses ingénieurs se condamne à la dépendance.
Prenons un exemple concret, non pas pour flatter notre territoire mais pour rappeler ce qui fonctionne quand on agit de manière lucide. À Toulouse, nous faisons le pari du réel, celui de la production. Ici, plus de 14 500 emplois directs sont liés à l’industrie de la défense, avec des entreprises réalisant des chiffres d’affaires importants comme Thales Alenia Space (2,2 milliards d’euros), Airbus Defence and Space (12,1 milliards d’euros), Liebherr-Aerospace (1,49 milliards d’euros) ou Hensoldt Nexeya (120 millions d’euros).
À ces acteurs s’ajoutent des projets industriels structurants tel que la création d’une seconde ligne d’assemblage de l’A321 XLR dans l’usine Lagardère d’Airbus, porte-drapeau d’une aviation plus sobre. Citons également l’implantation en 2024 de l’usine d’Evotec, grand groupe de R&D pharmaceutique qui conçoit des biomédicaments, sans oublier le développement fulgurant d’Aura Aero, PME toulousaine pionnière du transport aérien décarboné. Ces entreprises ne sont pas des menaces : ce sont des piliers. Safran fait également partie de ces piliers. Et nous sommes fiers d’accompagner son développement par la vente d’un terrain de la collectivité, permettant l’extension de son site toulousain avec plus de 100 millions d’euros d’investissement à la clé. Tout cela est rendu possible grâce à une volonté politique claire, assumée et rapide.
La souveraineté ne se limitant pas aux moteurs d’avion, nous soutenons également l’implantation de l’usine Ipsophène, première unité de production de paracétamol en Europe. Mais pas sans mal. En effet, produire des médicaments essentiels en France au XXIe siècle est encore un combat, malgré la crise sanitaire de la COVID.
Ce projet pourtant exemplaire, suscite lui aussi, des oppositions politiques. Implantée sur une friche industrielle classée Seveso, respectueuse du fameux ZAN, l’usine est aujourd’hui la cible de critiques et de menaces de la part de nombreuses associations écologistes, inquiètes des risques potentiels liés à son emplacement, et ce malgré les garanties fournies par les dirigeants d’Ipsophène sur la sécurité et l’absence de rejets dans l’environnement et les contrôles opérés par l’Etat. Ces résistances rappellent étrangement celles rencontrées par Safran à Rennes. Des protestations souvent infondées, toujours déconnectées, par ceux-là mêmes qui ne créent rien, ne produisent rien, mais bloquent tout.
Le combat pour la réindustrialisation se joue donc localement
Il se déroule dans les conseils municipaux, dans les métropoles, sur le dernier kilomètre, là où l’on dit oui ou non à un projet. Ce sont nos territoires qui permettent à la France de tenir debout. Et ceux qui s’opposent à toute implantation industrielle, au nom d’une écologie punitive et hors-sol, doivent assumer d’en être les fossoyeurs.
Nous devons, coûte que coûte, soutenir ceux qui croient encore en notre pays. Ceux qui investissent, innovent, forment et produisent. Et leur dire clairement qu’en France, certains territoires restent des terres d’industrie. Des terres d’avenir. La France peut redevenir une puissance industrielle mais à une seule condition : cesser de diaboliser l’industrie, cesser de confondre écologie et hostilité au progrès et au travail. Et soutenir, enfin, ceux qui font au lieu de s’agenouiller devant ceux qui empêchent.