Chaque année ou presque, une nouvelle étude sonne l’alarme : les Français lisent de moins en moins. La dernière en date menée par Ipsos pour le CNL confirme la tendance : la lecture est en recul, concurrencée par les écrans, battue par les notifications, reléguée derrière les séries et les « scrolls » sans fin.
Faut-il s’en désoler ? Sans doute. Mais surtout il est temps d’agir. On ne peut pas croire sérieusement que des millions de personnes n’aiment plus lire. C’est une question de temps de cerveau disponible, mais aussi de méthode pour amener les Français à la lecture. Dès lors il est urgent d’adopter une posture plus combattive et d’inventer une manière nouvelle de donner à tous envie de lire.
Pendant que la lecture décline, l’écriture, son activité sœur, suscite elle un engouement inédit. Une étude Odoxa pour Le Figaro littéraire révèle que près de 12 millions de Français rêvent d’écrire un livre. Ce chiffre est impressionnant, mais pas si surprenant. Écrire est une discipline stimulante et valorisante. Celui qui s’y adonne est acteur de sa pratique : il imagine un univers, une histoire qui invente des personnages, s’amuse avec les mots, les phrases et la langue. La liberté de création y est absolue et le plus souvent ceux qui y goûtent ne s’en passent plus.
De plus l’écriture créative a mille vertus : elle stimule l’imagination et la créativité, enrichit le vocabulaire, améliore l’orthographe, développe la culture générale. Elle donne confiance, elle rend fier. Elle fait du bien. Et surtout l’écriture pousse à la lecture. L’immense majorité des écrivains même amateurs sont des grands lecteurs. Ils aiment aller voir comment font les autres. Ils prennent le temps de se pencher sur les textes des grands auteurs, de s’interroger sur leur construction et leur style. C’est mécanique : écrire pousse à lire.
Pourtant l’écriture créative reste le parent pauvre des pratiques artistiques. Contrairement au théâtre, à la musique ou aux arts plastiques, les ateliers et les cours d’écriture sont encore trop rares (ou beaucoup trop chers). Il est donc grand temps de développer beaucoup plus largement cette pratique artistique : à l’école où il est nécessaire de proposer du primaire au lycée des options consacrées à l’écriture créative. Au niveau local où il serait bon d’organiser davantage de stages de concours d’écriture ou de nouvelles et de rencontres avec des romanciers, des dramaturges, des poètes ou des éditeurs. Dans les entreprises où il est possible de mettre l’écriture au centre des activités extra-professionnelles. Dans les médias du service public où les contenus sur l’écriture sont trop inexistants. Au niveau national où il serait intéressant de lancer une grande campagne de sensibilisation et d’organiser une vraie fête de l’écriture.
Le monde l’édition doit lui aussi prendre sa part dans ce combat pour l’écriture. Il nous faut être davantage ouvert aux apprentis écrivains qui trop souvent se sentent peu considérés par les éditeurs auxquels ils s’adressent.
La lecture est en perte de vitesse, l’écriture est en plein essor : utilisons la seconde pour réconcilier les Français avec la première. Et gardons à l’esprit que promouvoir l’écriture, c’est soutenir la lecture autrement. C’est rallumer l’étincelle par le feu de la création. C’est remettre les livres au centre de la vie des Français.
(*) Timothé Guillotin a cofondé les éditions Novice en 2019 à l’âge de 23 ans avec lesquels il a lancé un concept original et audacieux : le prix du roman non publié. En parallèle, les éditions Novice proposent des essais sur les méthodes d’écriture et le monde des lettres afin d’accompagner les apprentis auteurs dans leurs projets littéraires.