En trois ans, l’Union européenne a réussi à se libérer de sa dépendance au gaz russe. Cette dépendance n’était pas un hasard : Vladimir Poutine l’a construite méthodiquement. Il a inondé le marché européen de gaz bon marché, rendant toute concurrence impossible. Malgré les crises gazières russo-ukrainiennes de 2006 et 2009 et malgré l’annexion de la Crimée, il a convaincu ses plus gros clients européens que la Russie était un partenaire fiable et n’avait aucun intérêt à couper l’approvisionnement.
Pourtant, quelques mois avant l’invasion de l’Ukraine, il amorce son chantage gazier : Gazprom ne remplit pas ses stockages en Allemagne ; les livraisons sont limitées au strict minimum contractuel, créant une pression sur les prix dans un contexte de reprise économique mondiale post-pandémie. Après l’invasion, Vladimir Poutine exige un paiement en roubles, sachant que cela est impossible à cause des sanctions contre la Banque centrale russe. Progressivement, il coupe l’approvisionnement gazier, commençant par les États qu’il considère comme étant les plus vulnérables, comme la Bulgarie. Vladimir Poutine a même coupé l’approvisionnement d’Engie le 1er septembre 2022, bien avant les explosions de Nord Stream. Sans oublier l’épisode de l’été 2022, lorsqu’il a invoqué de faux problèmes techniques sur les turbines de Nord Stream pour provoquer une flambée des prix.
L’Europe a tenu bon, évitant une crise d’approvisionnement grâce à ses infrastructures, à la diversification et à la solidarité entre ses États membres. Mais l’Europe a subi une crise des prix sans précédent, qui a eu un impact majeur sur l’inflation, le pouvoir d’achat et notre compétitivité.
Revenir en arrière serait une erreur stratégique et morale
L’Europe doit aujourd’hui faire face à un défi majeur : retrouver sa compétitivité, alors que ses coûts énergétiques restent bien supérieurs à ceux d’autres régions du monde.
Mais la solution ne réside pas dans un retour au gaz russe.
Acheter du gaz russe, c’est financer les guerres impérialistes de Poutine. En 2023, l’UE a versé 17 milliards d’euros à la Russie pour du gaz, soit presque autant que son aide non militaire à l’Ukraine, qui s’est élevée à 19 milliards d’euros. Nous finançons donc, indirectement, l’agression que nous combattons. Ces agressions pourraient bientôt nous toucher directement. En France, nous en subissons déjà les effets sous forme de cyberattaques et campagnes de désinformation, comme l’opération Doppelgänger.
Revenir au gaz russe ne résoudra pas nos problèmes de compétitivité. Cela ne ferait que retarder les réformes nécessaires : accélérer la transition énergétique avec les énergies renouvelables et le nucléaire ; développer le biogaz européen comme alternative renouvelable au gaz naturel ; investir dans la rénovation des bâtiments, qui représentent une part importante de notre consommation énergétique ; innover pour maîtriser les technologies de demain. Il est aussi crucial de simplifier nos normes et procédures, en harmonisant les régulations européennes et nationales afin de garantir une flexibilité maximale. Enfin, il est essentiel d’investir dans les compétences nécessaires à la transition énergétique.
Des solutions immédiates existent
Plutôt que de céder à la facilité, l’UE et ses États membres doivent commencer par réformer la taxation de l’électricité : accises, TVA, taxe carbone. L’électricité doit-elle être une source de taxation comme une autre ? Rappelons que de telles taxes n’existent pas aux États-Unis.
Le marché européen de l’énergie, encore fragmenté en marchés nationaux dominés par des acteurs historiques en quasi-monopole, doit être finalisé de toute urgence. Un marché fragmenté limite la concurrence et empêche une optimisation efficace des ressources énergétiques. Selon certaines estimations, une meilleure intégration des marchés pourrait réduire jusqu’à 40 % les prix de gros de l’électricité. Enfin, il faut sécuriser l’approvisionnement en matériaux critiques nécessaires à la transition, grâce à des investissements en Europe et grâce à des accords commerciaux avec le Chili, le Canada, les pays du Mercosur.
Revenir au gaz russe serait une hypocrisie, un renoncement à nos valeurs et un affaiblissement de notre souveraineté. Cela serait un pansement sur une jambe en bois et reviendrait à brader notre liberté et nos valeurs pour de l’argent. En reliant à nouveau nos économies à un empire néo-impérialiste, nous risquons de nous retrouver sous le joug de décisions politiques qui vont compromettre notre économie et notre liberté.
Nous sommes au rendez-vous de l’Histoire. Ne répétons pas les erreurs du passé. Ne redevenons pas dépendants de Vladimir Poutine. Il ne peut pas y avoir de réarmement sans rupture avec le gaz russe.