OPINION. « Halte aux saints de glace, vive l’été industriel ! »


De nouvelles taxes douanières américaines mettent sous tension notre industrie déjà fragilisée. Alors que les bourgeons de la réindustrialisation avaient percé, la menace des saints de glace plane à nouveau sur notre tissu économique. Malgré l’élan amorcé en 2021, le solde net de créations d’usines repasse dans le rouge, après deux années positives. Depuis trente ans, le choc de désindustrialisation continue de peser. La France a perdu près de 1,7 million d’emplois dans le secteur manufacturier. Territoires désossés, ateliers abandonnés, compétences évaporées… On a gardé les salons de l’aéronautique, mais oublié les sous-traitants, soutenu les fleurons et les Gigafactories mais les PME dépérissent. On redécouvre que pour produire une voiture électrique, il faut une usine, des ouvriers, des pièces détachées… et du courant.

Ce grand gel industriel est entretenu par trois saints de glace bien installés, la centralisation, le coût de l’énergie et l’effacement de l’humain. Ce sont autant de freins structurels, persistants et systémiques, qui empêchent le dégel tant attendu.

Paris décide, les régions appliquent. Trop souvent, les projets réussissent malgré l’État, et non grâce à lui. Les collectivités savent où réhabiliter une friche, où renforcer un CFA, où ranimer une filière. Ce sont elles qui peuvent recoudre l’écosystème local autour des bassins d’emploi. Regardez le Creusot : former un chaudronnier, loger un apprenti, ce sont des réalités quotidiennes qui rythment la vie d’un territoire. Aucune politique industrielle verticale ne peut accompagner l’effervescence qui règne dans ce terreau bourguignon façonné par l’industrie et le pragmatisme d’un système de formation qui s’adapte aux besoins locaux. Un autre mal bien franco-français à combattre, l’obésité de normes. Pour ouvrir une usine, l’entreprise affronte un labyrinthe administratif. Jusqu’à cinquante demandes d’autorisation peuvent être exigées avant même la pose de la première pierre. Pourtant l’Allemagne, la Pologne ou la Suède soumises aux mêmes règles européennes instruisent les dossiers en deux fois moins de temps. Ce n’est pas l’Europe qui freine, c’est la France qui complique. Pour relancer notre industrie, commençons par « débureaucratiser » y compris en matière écologique. L’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) fait écho à une nécessité. Mais il doit s’appliquer avec discernement. La France est l’un des pays les moins denses d’Europe. Avant d’interdire, réhabilitons d’abord nos friches industrielles, et réservons-les à l’industrie. Le ZAN ne pourra réussir que s’il se décentralise.