En France, 47 % des dirigeants âgés de 60 à 69 ans n’ont toujours pas de plan de succession. Les dirigeants d’entreprises familiales tardent à transmettre. La conséquence est sans appel : en France, seule une ETI sur cinq ferait l’objet d’une transmission familiale aboutie. Or, à la perte de valeur économique, s’associent bien souvent des impacts sur l’unité familiale. Transmettre au bon âge est pourtant une condition de la réussite de la transmission des entreprises familiales.
Transmettre autour de 65 ans pour préserver la performance de l’entreprise
Avec un dirigeant familial sur quatre âgé de plus de 60 ans, plus d’une PME et ETI sur deux sera confrontée à la transmission dans la prochaine décennie. L’absence d’anticipation des dirigeants représente un risque économique considérable, non seulement pour l’entreprise mais également pour tout son écosystème.
Une étude menée par l’Université Bocconi en Italie démontre que les dirigeants ayant dépassé 70 ans voient le retour sur capitaux propres (ROE) de leur entreprise diminuer de 1,2 point et la croissance du chiffre d’affaires baisser de 0,9 point par rapport à la moyenne des entreprises observées. En effet, l’âge avançant, les stratégies des dirigeants deviennent parfois plus conservatrices et moins connectées aux enjeux nouveaux, freinant l’innovation et impactant négativement la performance future de l’entreprise.
Ainsi, un chef d’entreprise familiale décédé en 1995 à l’âge de 93 ans, sans avoir transmis les rênes opérationnelles, a laissé l’entreprise à ses enfants dans une situation de grandes tensions. Ils ont dû se battre pour reprendre le flambeau d’une entreprise qui avait pris un retard considérable sur ses concurrents en termes d’innovations et d’implantation géographique. Comme le résume un membre de la famille :
« Par peur d’être copié, par peur d’internet, il a fait arrêter le train et a empêché l’entreprise d’évoluer. »
35-45 ans, l’âge pour insuffler une nouvelle dynamique
Reprendre la direction d’une entreprise familiale entre 35 et 45 ans permet d’allier maturité professionnelle et capacité d’innovation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 51% des jeunes repreneurs envisagent de prendre davantage de risques que leurs prédécesseurs, et 56% souhaitent infléchir la stratégie de l’entreprise familiale.
Ce dynamisme se traduit concrètement dans les résultats, puisque les entreprises dirigées par ces dirigeants plus jeunes affichent 1,4 point de rentabilité des capitaux propres supplémentaires et 1,7 point de croissance du chiffre d’affaires par rapport à la moyenne des entreprises observées.
Se préparer à transmettre pour soi et pour la nouvelle génération
Dès 55 ans, le dirigeant peut commencer à se pencher sur la transmission de son entreprise. Son rôle est alors de former progressivement le repreneur en impliquant les jeunes générations dans des responsabilités croissantes pour une transition naturelle entre 35 et 45 ans.
Parallèlement, le dirigeant transmetteur doit penser à l’après, se construire un projet solide pour gérer sereinement cette transition et se projeter dans une nouvelle étape de sa vie. Sans cette projection, le risque est de ne jamais véritablement lâcher prise. Comme l’explique très bien Jean qui a transmis l’entreprise familiale à 63 ans, transmettre fut « la décision la plus belle et la plus dure de [sa] vie ». La plus belle, parce que « l’œuvre se poursuit ». La plus dure, parce qu’il a dû « passer le témoin opérationnel en pleine force d’âge ».
Le transmetteur reste connecté à l’entreprise mais d’une autre manière, la condition sine qua non est d’adopter la bonne posture : offrir son expérience, conseiller, sans entraver la nouvelle direction stratégique. A contrario, ce fondateur de 70 ans contraint de transmettre par les statuts, mais dont l’ingérence incessante a provoqué la démission du nouveau dirigeant au bout de quelques mois et déclenché des tensions familiales.
La transmission d’entreprise familiale ne s’improvise pas. Elle nécessite une préparation minutieuse, tant du côté du transmetteur que du repreneur. L’âge constitue un facteur déterminant dans ce processus, avec un impact direct sur la performance de l’entreprise. Ne pas en tenir compte, c’est mettre en péril l’héritage entrepreneurial construit parfois sur plusieurs générations.
(*) Dotée d’une solide expérience dans le conseil et opérationnelle en tant que dirigeante, Blandine Pessin-Bazil a conduit des transformations au sein de sociétés telles que United Biscuits, Guerlain (LVMH), JFA &Interfaces, Lutti et Carambar&Co. Elle a la conviction que l’actionnariat familial et la gouvernance familiale, synonymes d’un temps plus long, sont des « biens précieux » pour les entreprises. Elle pilote l’accompagnement des dirigeants et de leurs entreprises dans la phase de transmission à la génération suivante. Elle a mis en place un OpenLab pour permettre au plus grand nombre de Dirigeants ou familles contrôlant des entreprises de bénéficier d’études et recherches, d’outils et de bonnes pratiques en matière de transmission entre deux générations.
Pendant plus de 15 ans, Perrine Julien a piloté les stratégies d’innovation au sein de grandes entreprises de produits de consommation comme Reckitt Benckiser et McCain. Ceci lui a forgé une expertise solide dans la compréhension et l’analyse des dynamiques de marchés, et en gestion de projets. Par la suite, elle a poursuivi sa carrière en tant que consultante en recrutement, se concentrant sur l’accompagnement des managers et des dirigeants. Constatant que les entreprises familiales ont des dynamiques uniques, nécessitant un accompagnement particulier surtout lors des phases de transmission, Elle souhaite contribuer à leur pérennité et au développement de leur performance pour un meilleur impact économique et humain. Perrine Julien accompagne les dirigeants à réussir leur transmission au sein des entreprises familiales dans lesquelles For Talents investit.
Blandine Pessin-Bazil et Perrine Julien