On a visité le cairn de Gavrinis, « la chapelle Sixtine du Néolithique »

De notre envoyé spécial sur l’île Gavrinis (Morbihan),

« Cela fait trente ans que je le connais et l’émotion est toujours là quand on pénètre à l’intérieur. » Quitter le cairn de Gavrinis est à chaque fois un déchirement pour Cyrille Chaigneau. Médiateur scientifique au musée de la Préhistoire de Carnac, cet archéologue connaît dans les moindres recoins l’île de Gavrinis qui abrite ce joyau de la préhistoire. Situé en plein cœur du golfe du Morbihan, ce caillou de quatorze hectares appartient depuis 2006 au producteur de cinéma et acteur Pierre-Ange Le Pogam, ancien bras droit de Luc Besson chez EuropaCorp. Mais dans la partie sud de l’île, propriété du département du Morbihan, une imposante butte de terre et de pierres de 50 m de diamètre et de 6 m de hauteur attire tout de suite l’œil du visiteur.

Le fameux cairn, un monument bien moins connu que le menhir ou le dolmen dans la grande famille des mégalithes, qui servait à recouvrir des chambres funéraires. On en retrouve quelques-uns en Europe du Nord mais c’est surtout dans la péninsule armoricaine que les cairns ont bâti leur légende. Comme celui de Barnenez dans le Finistère, le plus grand mausolée mégalithique d’Europe, ou celui de Gavrinis. Un peu plus petit, le monument, édifié vers 4.000 ans avant notre ère, fait partie des sites majeurs de la candidature des mégalithes du Morbihan pour obtenir son classement au patrimoine mondial de l’Unesco.

Un couloir étroit aux dalles entièrement gravées

« Ça n’est pas pour rien qu’on le surnomme la chapelle Sixtine du Néolithique », souligne non sans fierté Denis Bertholom, vice-président de l’association Paysages de Mégalithes qui porte le dossier et maire de Larmor-Baden, dont fait partie l’île de Gavrinis. Sous le monticule de terre et de pierres se cache en effet un véritable trésor. Un dolmen à couloir long de quatorze mètres de long et 1,50 m de large dont les vingt-neuf dalles de pierres qui le recouvrent sont presque entièrement gravées.

Le cairn de Gavrinis est situé au sud de l’île du même nom, le reste du caillou étant privé. - B. Stichelbaut / Hemis via AFP

En 1835, dix ans après la découverte des lieux par un abbé, l’écrivain et archéologue Prosper Mérimée décrivait en ces termes ce lieu mystérieux : « Outre sa situation souterraine, ce qui distingue le monument de Gavrinis de tous les dolmens que j’ai vus, c’est que presque toutes les pierres composant ses parois sont sculptées et couvertes de dessins bizarres. Ce sont des courbes, des lignes droites, brisées, tracées et combinées de cent manières différentes. »

Des spirales, des armes, des bateaux et deux cachalots

Sur le plafond et les parois latérales, d’impressionnantes gravures d’une finesse exceptionnelle ornent les pierres sur un kilomètre de linéaire. « C’est un monument tout à fait exceptionnel en Bretagne et même en Europe, assure Cyrille Chaigneau. D’abord par l’extraordinaire qualité de sa conservation mais aussi par la profusion du corpus de signes gravés. » On y trouve des formes abstraites comme des spirales, des ondulations, des mouvements d’eau témoignant « d’un imaginaire presque exclusivement marin », souligne Cyrille Chaigneau, qui vient d’éditer une monographie de 1.280 pages intitulée Gavrinis, autour du gouffre afin « de commencer à proposer une grille de lecture. »

Les vingt-neuf dalles de pierres qui recouvrent le couloir sont presque entièrement gravées.
Les vingt-neuf dalles de pierres qui recouvrent le couloir sont presque entièrement gravées.  - G. Gerault / Hemis / AFP

Certains motifs gravés représentent aussi des objets typiques du Néolithique comme des flèches, des arcs, des haches mais aussi des bateaux, des oiseaux, des serpents, deux cachalots et même un poulpe. « On a pu décrypter ces gravures grâce notamment à leur numérisation en 3D mais nous n’avons pas réussi à percer tous ses secrets », indique l’archéologue, à chaque fois ébahi quand il pénètre dans « ce monument incontournable de l’histoire artistique universelle. » « C’est quasiment de l’art contemporain, de l’art abstrait », assure-t-il.

« Et contrairement à d’autres sites, ici c’est l’original et non pas une reproduction, embraye Denis Bertholom. Mais c’est vrai que le site n’est pas forcément connu par tout le monde. Même par les locaux qui ont pourtant un trésor encore plus vieux que les pyramides d’Égypte juste à côté de chez eux. » Si la candidature Unesco est validée, la réponse étant attendue pour la mi-juillet, nul doute que le cairn de Gavrinis devrait en profiter.



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