
Plusieurs centaines d’étudiants en médecine ont défilé dans les rues de Toulouse, mardi 29 avril en fin de journée, pour dénoncer le projet de loi Garot. Ce texte visant à lutter contre les déserts médicaux, prévoit un fléchage des médecins qui voudront s’installer vers les zones insuffisamment dotées. Les médecins en formation ne veulent pas de ce coup de canif dans la liberté d’installation.
C’est en habits noirs qu’ils ont choisi de défiler entre les allées Jules Guesde et l’Hôtel-Dieu. À Toulouse, comme dans plusieurs grandes villes françaises, ce mardi 29 mai, près de 500 médecins et futurs médecins ont symboliquement enterré l’accès aux soins lors d’une manifestation contre le projet de loi de lutte contre les déserts médicaux.
Appelé aussi projet de loi Garot, du nom du député qui le porte, le texte attise la colère des médecins et étudiants en médecine. Et plus précisément l’article premier qui prévoit un fléchage des médecins qui voudront s’installer vers les zones sous-dotées. L’autorisation d’installation sera délivrée par l’Agence régionale de santé (ARS). Ce premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire, les jeunes en formation n’en veulent pas. « Non à la coercition », rappellent de nombreuses pancartes.
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« Garot a nos droits, Garot a vos vies »
Laura Dubesset, en 7e année de médecine générale, met la dernière touche à celle qu’elle a préparée avec Charlotte Fourquet, interne en dermatologie : « Garot a nos droits, Garot a vos vies ». « Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas assez de médecins formés. On paye les pots cassés des décisions des années 1980 », résument les deux jeunes femmes qui refusent qu’on les assimile à « des égoïstes. Nous voulons soigner les patients qui en ont besoin, nous adorons ce que nous faisons mais nous n’avons pas envie de vivre dans un endroit que nous n’aurons pas choisi ».
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Porte-voix en bandoulière, stéthoscope autour du cou, Charlie Loquais, représentant l’AIMG-MP (association des internes de médecine générale de Midi Pyrénées) a pris position en tête de cortège. « Ce projet de loi Garot est délétère pour les patients et démagogique. Quand on manque de confiture sur une tartine, l’étaler ne résout pas le problème, il en manque toujours. Ce texte est un patchwork qui ne correspond pas aux besoins du terrain. Les zones surdotées, ça n’existe pas », souffle l’étudiant en huitième année qui dénonce un « mépris des parlementaires qui nous renvoient l’argument de la vocation. Le modèle est maltraitant, on nous roule dessus pendant 8-10 ans et après on nous fait passer pour des feignants ! Après un concours difficile en première année, un autre en sixième année, des stages qui nous font déménager tous les six mois dans des organisations différentes, on n’a pas envie de ce mépris », conclut Charlie Loquais.

« Ne dégoûtons pas ces jeunes en formation »
Pour Abdelouahab, jeune médecin généraliste nouvellement installé dans deux cabinets toulousains, si ce projet de loi avait été proposé lors de ses études, la suite de sa carrière en aurait été impactée. « C’est clair, je n’aurais pas choisi médecine générale, j’aurais fait autre chose. Je rêve d’être médecin depuis que j’ai 10 ans, j’ai bougé dans la région lors de mes années d’internat, mais mes attaches sont ici, j’aime exercer dans les quartiers pas simples que sont la Reynerie et les Arènes et peut-être que je bougerai encore, mais je ne veux pas qu’on me l’impose », conclut le médecin qui s’était mis en grève pour la journée.
Pour soutenir ces jeunes en formation, plusieurs médecins avaient également fermé leurs cabinets, comme SOS Médecins qui n’assurait aucune consultation en dehors de la permanence des soins en soirée et nuit. « Ne dégoûtons pas ces jeunes d’une installation en médecine libérale et faisons plutôt tout bien pour les accueillir. Après 10 ans d’études, ils ont déjà une vie établie, un achat immobilier en cours, des enfants, c’est ça aussi la réalité ! Rendons d’abord nos territoires attractifs pour qu’ils restent dans leurs zones de stages », glisse le Dr Cyrille Chaugne, président de SOS Médecins Toulouse.
Proposition de loi Garot : le calendrier
La proposition de loi « visant à lutter contre les déserts médicaux » et d’initiative transpartisane est défendue par le député Guillaume Garot. Son article premier a été adopté dans la nuit du mercredi 2 au jeudi 3 avril (155 pour, 85 contre, 3 abstentions). Il prévoit de créer une autorisation d’installation délivrée par les agences régionales de santé (ARS) pour les médecins généralistes, spécialistes, libéraux et salariés. Il s’agit là d’un premier pas vers la régulation de l’installation des médecins.
Ce vote n’est pas définitif. L’examen de la proposition de loi se poursuivra lors des séances publiques des 6 et 7 mai 2025.
Dans les autres articles, qui n’ont pas encore été examinés, il est prévu de supprimer la majoration des tarifs pour les patients qui ne sont pas parvenus à trouver un médecin traitant (article 2), d’assurer une formation a minima de première année de médecine générale dans chaque département du territoire (article 3), de rétablir l’obligation de participer à la permanence des soins pour les médecins libéraux et salariés (article 4).