Montée des eaux sur le bassin de Thau : pour la conchyliculture, de nouveaux défis qui s’ajoutent aux défis actuels


Déjà confrontée aux restructurations et à de nombreux défis sanitaires, la filière n’élude pas la perspective de la montée de la mer, qui la contraindra à de nouvelles adaptations.

Étang directement relié à la mer, écosystème chamboulé, mas les pieds dans l’eau : quoique lointaine, l’évolution du trait de côte à 100 ans serait très impactante pour le secteur conchylicole. Déjà soumise à des aléas climatiques, norovirus et autres mortalités qui constituent son actualité annuelle, la filière n’a ni les clés, ni la visibilité pour penser si loin. Mais elle n’élude pas le sujet. « Ces projections auront un impact soit sur la délocalisation, soit sur la modification de nos structures », reconnaît Patrice Lafont, président du Comité régional conchylicole de Méditerranée.

Délocaliser ? Comment et où ? « Avec la pression immobilière d’un littoral attractif, je ne sais pas trop où on nous mettra si l’on doit déménager, lance Patrice Lafont. À Bouzigues, il n’y a pas de recul possible. À Loupian, l’espace est étroit entre la zone conchylicole et la Départementale. À Mèze, on ne pourra pas reculer partout : il faudra déménager. Mais les espaces libres ne le sont pas pour tout le monde : ce sont soit des terres agricoles, soit des espaces naturels protégés. »

Un accès direct à l’eau qui est vital

Les solutions du pilotis, déployé en Italie et dans le Var, et du mas flottant, testé à Gruissan, sont avancées. « Je ne sais pas si elles s’imposeront. En tout cas, sans accès direct et permanent à l’eau, on ne peut pas travailler. Il faut un pompage et une communication directe, depuis le bord de l’eau ou sur l’eau. »

Le deuxième impact concernerait la modification de l’écosystème avec l’échange direct mer-étang. « Les études de l’Ifremer montrent que le milieu lagunaire est bien plus riche en biodiversité que le milieu marin. Les éléments nutritifs apportés par la terre lui profitent, favorisant la production de phytoplancton », détaille Patrice Lafont.

L’ouverture d’une brèche dans la lagune aspirerait-elle les éléments nutritifs vers la mer, générant, entre autres, une forte perte de productivité ? Quelles conséquences sur le milieu ? Que générerait un surplus de courant ? « Franchement, on n’en sait rien, réagit le patron du CRCM. Je serai plus inquiet sur la partie sanitaire, notamment sur le phytoplancton toxique, avec une science qui ne sait pas dire pourquoi telle espèce est favorisée par tel facteur environnemental, pourquoi un pathogène a causé de 50 à 70 % de mortalité des huîtres adultes ou pourquoi le dinophysis explose depuis 10ans… »

Une filière en mer boostée ?

Les zones d’ombre sont nombreuses. Mais l’avenir ne serait pas forcément tout noir. Outre un gain de temps en déplacements, l’ouverture naturelle en Méditerranée pourrait doper le développement d’une filière en mer que le CRCM vient de relancer fortement, notamment pour la production de moules.
Résiliente face au changement climatique, la profession essaie déjà de s’adapter aux nombreux défis actuels. « On ne va pas faire des projections hasardeuses tant qu’on n’est pas invité dans la concertation », souligne Patrice Lafont.

D’autant que la moitié des conchyliculteurs pourraient faire valoir leur droit à la retraite d’ici 2030. Alors l’horizon 2130…



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