Alors que l’Allemagne traverse une période difficile — deux années consécutives de récession en 2023 et 2024 —, la coalition qui a remporté les élections législatives anticipées du 23 février a promis de donner un nouveau souffle au pays. Le futur gouvernement, qui doit être dirigé par Friedrich Merz, entend pour cela déployer une vision libérale de l’économie. Un fonds d’investissement de 500 milliards d’euros a été dévoilé, destiné à moderniser les infrastructures (routes, chemins de fer, bâtiments publics), entre autres annonces.
« La future coalition réformera et investira pour assurer la stabilité et la sécurité de l’Allemagne, et redonner de la force à son économie », a déclaré l’attendu prochain chancelier.
Une promesse faite notamment à destination du Mittelstand, cet ensemble d’entreprises de taille moyenne qui représente presque l’intégralité du tissu économique du pays. Une particularité du modèle allemand, difficilement traduisible mais explicable.
Qu’est-ce que ça englobe ?
Contrairement à l’administration française qui classe les entreprises en se basant sur le nombre de salariés et le chiffre d’affaires, ce ne sont pas des critères quantitatifs mais qualitatifs qui définissent le Mittelstand. L’IfM Bonn (Institut für Mittelstandsforschung) en liste trois : l’entrepreneur exerce une influence personnelle significative dans la structure, assume le risque entrepreneurial et assure ses revenus et ses moyens de subsistance. Autrement dit : il s’agit généralement d’entreprises familiales, gérées par leur propriétaire et indépendantes financièrement.
La question de la taille n’a ici aucune importance. Si bien que la majorité des PME allemandes remplissent les critères du concept de Mittelstand — mais pas toutes, à l’instar des succursales locales de sociétés cotées par exemple — comme certaines grandes entreprises. « Bien qu’il existe un chevauchement important entre entreprises du Mittelstand et PME, les deux termes ne sont pas synonymes », appuie l’IfM Bonn. En revanche, « les termes « Mittelstand », « entreprise familiale », « entreprise dirigée par son propriétaire » peuvent être utilisés indifféremment ».
Que représente le Mittelstand dans l’économie allemande ?
Une très (très) grande partie des entreprises. En raison du manque de statistiques sur les critères qualitatifs définissant les entreprises du Mittelstand, leur poids est estimé à partir des données des PME. Elles représentent, selon les derniers chiffres de l’IfM Bonn datant de 2022 (une actualisation sera faite à l’été 2025) :
🏭 Plus de 3,41 millions d’entreprises, soit 99,2 % du total du pays,
💶 2,66 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 27,3 % du total des entreprises allemandes,
💡 8,55 milliards d’euros par an investis dans la R&D (recherche et développement),
👔 19,1 millions de salariés, soit 53,6 % de l’emploi total de l’Allemagne,
🛠️ 70 % du total des apprentis,
📈 55,7 % de la valeur ajoutée nette totale de l’ensemble des entreprises du pays.
Un peu d’histoire
Le terme Mittelstand est apparu pour la première fois dans un dictionnaire allemand en 1777, peut on lire dans un numéro de la Revue d’économie industrielle. Il est alors défini comme « le statut moyen d’une personne, au regard de sa fortune et de son statut social, comme l’état qui se trouve au milieu entre riche et pauvre et entre noble et humble ». Cette petite bourgeoisie, qui forme la classe moyenne allemande de l’époque, est à l’origine de la culture entrepreneuriale du pays, basée sur des valeurs comme la responsabilité individuelle, l’autonomie, l’indépendance.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’Allemagne s’affirme de plus en plus comme puissance industrielle, le Mittelstand est devenu synonyme d’entrepreneurs et d’artisans indépendants, avec des entreprises à la gestion souvent familiale, explique Major Prépa. Le gouvernement a voulu éviter la concentration excessive de grandes entreprises et a donc promu une économie décentralisée autour de ces entreprises de taille moyenne. « Les entreprises du Mittelstand sont devenues non seulement des moteurs de l’économie locale, mais aussi des pionnières sur le marché mondial grâce à une spécialisation poussée et à une expertise de niche », est-il précisé.
Un modèle qui inspire la France de longue date
L’idée de dupliquer en France le modèle du Mittelstand a inspiré les réformes économiques dès les années 2000. C’est d’ailleurs ce qui a amené à la création de la catégorie des ETI (entreprises de taille intermédiaire) dans la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, définies comme des entreprises comptant entre 250 et 4.999 salariés avec un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros.
On en compte aujourd’hui 6.800 dans l’Hexagone, d’après le Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire). L’objectif d’un « Mittelstand à la française » n’a toutefois pas été atteint. En cause selon cette organisation : le cadre juridique et fiscal trop contraignant, la complexité administrative et les charges sociales élevées, le coût important de la transmission des entreprises qui inciterait davantage les patrons à les vendre plutôt qu’à les transmettre à leurs enfants.