À compter du 1er novembre 2025, les meublés touristiques de Bourg-Saint-Maurice, des Arcs et des villages voisins devront désormais être enregistrés auprès de la mairie pour pouvoir opérer. Car la municipalité a bel et bien décidé de s’emparer, comme sa voisine Chamonix (Haute-Savoie), des dispositions permises par la Loi le Meur pour différencier géographiquement les secteurs dédiés à l’habitat permanent des secteurs à vocation touristique.
Mais à la différence de Chamonix, Bourg-Saint-Maurice n’a pas encore interdit toute nouvelle construction touristique : la commune, qui est aussi le chef-lieu de la station des Arcs, compte d’abord sur la Loi Le Meur pour restreindre dans un premier temps – et uniquement sur le périmètre de son centre-bourg – la location des meublés touristiques à un seul bien par propriétaire.
Un premier pas qui résonne néanmoins comme un premier tour de vis à l’attention des locations, qui transitent principalement sur des plateformes comme Airbnb, puisque les gîtes, les chambres d’hôtes et hôtels ne sont pas touchés par cette nouvelle réglementation, à laquelle les propriétaires peuvent se préparer dès le 28 avril prochain (date de l’ouverture du guichet d’enregistrement).
« Moins de 1% de logements vacants »
« Comme beaucoup de communes touristiques de montagne et du littoral, nous sommes soumis à une tension très forte sur le marché locatif, atteste le maire issu d’une liste citoyenne, Guillaume Desrues. Nous avons en effet moins de 1% de logements vacants avec, encore récemment, une offre pour 25 candidats… »
Face à « l’urgence d’agir » dans une commune de 8.000 habitants qui se positionne également comme « la deuxième station de montagne de France, avec un total de 40.000 lits » [en prenant en compte la station des Arcs qui est rattachée à son périmètre], Bourg-Saint-Maurice a donc adopté jeudi dernier une nouvelle réglementation sur les meublés de tourisme. Objectif affiché : « rétablir un équilibre entre l’offre de logements à l’année et l’offre touristique de courte durée, sans pour autant interdire cette dernière. »
En rendant l’enregistrement des biens à la location obligatoire, et limité à un bien par propriétaire – uniquement sur le secteur de Bourg-Saint-Maurice et ses hameaux -, la municipalité entend ainsi disposer d’un meilleur portrait des biens présents, afin de pouvoir les réorienter ensuite vers le marché de la location.
Jusqu’à 500 logements dans le viseur
« Nous estimons que sur 12.000 logements présents à l’échelle du territoire, 8.000 sont des bâtiments à vocation touristique, et 4.000 ont une vocation d’hébergements à l’année, mais parmi eux, 500 seraient loués en réalité de manière saisonnière. Si l’on parvenait, rien qu’avec cette nouvelle mesure, à récupérer même un faible pourcentage d’entre eux, nous améliorerions la situation pour les habitants et les saisonniers », explique le maire, Guillaume Desrues.
Un signal également à l’attention de la première tranche de 98 logements qui s’apprêtent à être commercialisés dès cet été dans le quartier des Alpins, qui fait lui-même l’objet d’un vaste programme de rénovation urbaine de 370 logements au total. Avec de premières livraison attendues en 2027. « Nous ne voulions pas que se crée un effet d’aubaine avec cette opération pour acheter et faire des meublés touristiques, mais que ces logements puissent au contraire permettre de répondre aux besoins des habitants », ajoute l’élu, qui précise que dans le cadre de ce programme, 25% des biens sont déjà fléchés vers du logement social et 25% à des publics « senior ».
En parallèle, Bourg-Saint-Maurice a également prévu d’instaurer, dans sa nouvelle réglementation des meublés touristiques, un bail particulier afin de favoriser l’hébergement des saisonniers, qui sont chaque année près de 4.000 à faire fonctionner la station des Arcs, selon les estimations de la commune.
« Nous allons instaurer un régime spécial pour les propriétaires qui loueraient leur logement entre le 15 décembre et le 15 avril à la même personne : ils seraient ensuite autorisés à louer le reste de l’année en meublé touristique le même bien, car nous considérons qu’il s’agit d’une formule gagnante pour les deux parties, collectivité et bailleur », explique le maire, Guillaume Desrues.
Une proposition qualifiée « d’intéressante » par Bérengère Servat, présidente adjointe et référente Savoie de la FNAIM Savoie Mont-Blanc (SMB), puisqu’elle permettrait « à la fois de répondre aux besoins d’offrir des logements décents aux saisonniers, tout en permettant aux propriétaires d’assurer un remplissage des biens durant la saison d’été ».
« Le volume d’appartements en location à l’année est actuellement très faible à Bourg-Saint-Maurice, alors qu’il existe de forts besoins, que ce soit au niveau des locations annuelles que des logements saisonniers, reprend Bérengère Servat. Or, cela se traduit ensuite par une réelle difficulté à recruter pour les entreprises du secteur. D’autant plus que les taux de remplissage des grandes stations de montagne comme les Arcs sont de plus en plus prisées ».
Une stratégie tournée vers l’habitat permanent
Mais à l’image de Chamonix, l’une des principales interrogations des acteurs de l’immobilier face à ces outils demeure cependant sur le terrain des prix : « l’immobilier, qu’il soit touristique ou non, reste un marché de l’offre et de la demande. Or, si l’on régule l’offre face à une demande importante, cela va nécessairement faire augmenter les prix », rappelle Bérengère Servat.
Reste à voir également quel sera le pourcentage de propriétaires réellement concernés par cette régulation à venir : car si l’investissement immobilier en montagne reste, pour partie, l’apanage d’investisseurs étrangers à fort pouvoir d’achat, il est aussi marqué par des entrepreneurs et ménages tricolores qui cherchent à investir pour se constituer un patrimoine familial dans lequel ils comptent aussi venir en vacances. « Difficile d’estimer à ce stade combien de propriétaires possèdent réellement plusieurs appartements qu’ils mettraient en location », rappelle également Bérengère Servat.
Dans un contexte où la crise immobilière a continué d’alimenter la hausse des prix de l’immobilier de montagne, la question de l’accès à la propriété des populations locales sera aussi un enjeu scruté de près. « On observe une légère amélioration de la conjoncture depuis six mois, avec un retour de la demande dans le secteur de la construction neuve, mais on n’a pas vraiment observé de baisse des prix vraiment marquée, tandis que le marché de l’ancien (locations et transactions) est resté relativement dynamique en montagne », observe la présidente adjointe de la FNAIM SMB.
Un nouveau PLU en construction
Après avoir créé une société d’économie mixte immobilière en avril dernier, afin de « fluidifier le développement de projets immobiliers et réduire les freins administratifs » (et qui permettra notamment de faire sortir une première résidence aux Arcs 1800 de 60 logements, susceptibles d’accueillir jusqu’à 100 personnes), Bourg-Saint-Maurice se prépare à boucler et soumettre au vote son nouveau plan local d’urbanisme 2030, en juin prochain.
Un document au sein duquel Bourg-Saint-Maurice souhaite d’ailleurs expérimenter, à l’échelle d’un quartier, des restrictions à l’égard des nouvelles constructions à vocation touristique, mais uniquement sur un périmètre restreint pour débuter.
« L’idée étant qu’un terrain municipal que nous aurons fléché puisse être dédié, au sein de la commune, à l’habitat principal. Il s’agit d’aller dans la même direction que Chamonix, même si nous irions un peu moins loin. C’est aussi une manière d’expérimenter et de donner l’exemple », résume l’édile savoyard.