Meloni à Washington, J.D. Vance à Rome : que se passe-t-il entre l’Italie et les États-Unis ? | Le Grand Continent

Face à la guerre commerciale de Trump, l’Union avait voté le 9 avril pour mettre en place des mesures de rétorsion sur un total de 20,9 milliards d’euros de biens américains, qui ont finalement été suspendus à la faveur de la pause de 90 jours décrétée par Trump mercredi dernier. L’Italie avait voté pour le plan, même si la présidente du Conseil se distingue de ses pairs.

  • La position de Meloni se trouve suspendue en équilibre complexe : si elle ne s’écarte pas du consensus européen, elle refuse de soutenir des mesures plus sévères. 
  • L’Italie est le deuxième État exportateur vers les États-Unis après l’Allemagne et ses prévisions de croissance ont été divisées par deux depuis les différentes annonces de la Maison-Blanche concernant les droits de douane.
  • Malgré la pause de 90 jours annoncée par Trump, les tarifs américains affectent une part importante des exportations de l’Union vers les États-Unis : les droits de 25 % sur l’acier et l’aluminium concernent 26 milliards d’euros d’exportations ; ceux de 25 % sur les voitures (et éventuellement sur les pièces détachées à partir du 3 mai) 66 milliards d’euros d’exportations ; et enfin, les droits de 10 % couvrent désormais 290 milliards d’euros de biens.
  • Trump a déjà annoncé qu’il s’attaquerait ensuite à l’industrie pharmaceutique, ce qui pourrait affecter 90 milliards d’euros supplémentaires du commerce européen.

Si ce que Meloni peut obtenir reste incertain, sa mission pourrait être de faciliter des négociations commerciales entre l’administration Trump et l’Union européenne, en lien avec la présidente de la Commission.

  • En effet, malgré trois visites à Washington depuis le début du mandat de Trump — la dernière en début de semaine —, le commissaire européen chargé du Commerce Maroš Šefčovič n’a obtenu aucun engagement ferme en vue des négociations pour répondre à la guerre tarifaire lancée par Trump. 
  • Ursula von der Leyen essaierait d’ailleurs depuis novembre 2024 d’obtenir un rendez-vous avec le président américain, sans succès.
  • Si de nombreux sujets ont été abordés lors de la réunion du lundi 14 avril entre Šefčovič et le secrétaire au commerce Lutnick, y compris les droits de douane et les barrières non-tarifaires, l’offre européenne d’éliminer les droits de douane sur tous les biens industriels, y compris les voitures, de traiter la question de la surcapacité mondiale dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium et de discuter de la résilience des chaînes d’approvisionnement dans les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques est restée sans réponse. Il n’est pour le moment pas clair à Bruxelles ce que l’administration républicaine veut obtenir.
  • Meloni se serait ainsi entretenue avec la présidente von der Leyen avant le voyage pour échanger sur la visite.

Lors de sa rencontre avec Donald Trump prévue demain, jeudi 17 avril, Meloni cherchera à réaffirmer son lien privilégié avec la Maison-Blanche, marqué notamment par ses relations avec Elon Musk. Si elle ne peut pas négocier sur les questions commerciales au nom de l’Union, elle pourrait tenter de se présenter comme la seule européenne véritablement anti-Chinoise et pro-Occident.

  • Mais pour Vittorio Emanuele Parsi, l’Italie de Meloni est prisonnière de son statut d’État-client aux marges de l’Empire Trump : « En Italie, la politique de la présidente du Conseil Giorgia Meloni semble buter contre ce possible renversement de perspective, notamment en ne reconnaissant pas pleinement que la recherche de la solidarité atlantique ne peut se faire qu’au profit de la solidarité européenne ».
  • Suite au discours du vice-président américain à Munich, elle avait notamment déclaré : « Je dois avouer que je suis d’accord », provoquant des tensions avec ses alliés européens et en interne avec le Quirinal, beaucoup plus critique quant au risque de « vassalisation heureuse ».
  • Après avoir étudié la possibilité de conclure un contrat entre le gouvernement italien et Starlink, l’entreprise d’accès à internet par satellites fondée par Musk, Rome a finalement rétropédalé et le projet est aujourd’hui mis en pause .
  • Trump aurait d’ailleurs averti les alliés européens hésitant à travailler avec Starlink qu’ils devaient choisir entre la technologie américaine et la technologie chinoise .

Meloni occupe ainsi une position d’équilibriste à la fois en Europe mais également en Italie : selon notre sondage Eurobazooka, seulement 16 % des Italiens considèrent que l’élection de Trump rend le monde plus sûr. La majorité y voit un facteur de déstabilisation, voire un danger. Ce chiffre atteint 90 % chez les électeurs du Parti démocrate (PD), contre 30 % chez les électeurs de Fratelli d’Italie (FdI), le parti de Giorgia Meloni.

De vendredi à dimanche, J.D. Vance — le premier vice-président républicain catholique — doit se rendre à Rome et, très probablement, au Vatican.

  • Selon des sources bien informées, le voyage de la présidente du Conseil servirait à faciliter la permanence du premier vice-président catholique républicain lors de la semaine sainte et pour les célébrations de Pâques qui tombe cette année le 20 avril, même si les détails opérationnels ne sont pas encore connus – et alors-même que le pape François l’a déjà critiqué ouvertement.
  • Une certaine inquiétude apparaît à Rome : la visite de J.D. Vance pourrait être accompagnée d’une prise de parole qui attaquerait depuis l’Italie le leadership européen, en contribuant à marquer l’écart entre le continent et la péninsule.



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