Depuis des décennies, les sphères de Dyson fascinent autant qu’elles intriguent. Ces mégastructures théoriques, imaginées pour capter toute l’énergie émise par une étoile, sont devenues un symbole de civilisations extraterrestres hyper-avancées. Mais malgré leur popularité, un problème de taille a toujours rendu leur existence hautement improbable : leur instabilité gravitationnelle. Aujourd’hui, un ingénieur écossais vient peut-être de changer la donne.
La folle idée de Freeman Dyson
Dans les années 1960, le physicien Freeman Dyson imagine une civilisation si avancée qu’elle serait capable de démanteler une planète géante (comme Jupiter) pour en faire une immense coquille creuse entourant son étoile. L’idée ? Capter l’intégralité de l’énergie solaire, au lieu de n’en récolter qu’une infime partie comme nous le faisons actuellement avec nos panneaux photovoltaïques sur Terre.
Une sphère de Dyson offrirait non seulement une surface habitable gigantesque — équivalente à des milliards de planètes — mais surtout une source d’énergie quasi inépuisable. De quoi alimenter des besoins colossaux d’une super-civilisation.
Mais cette idée visionnaire souffre d’un défaut fondamental : la sphère ne pourrait pas rester en place.
Le problème majeur : la gravité
Dans un monde parfait, la sphère de Dyson serait centrée autour de son étoile, sans jamais en dévier. Sauf que dans la réalité (et en physique), la gravité ne facilite pas les choses. À l’intérieur d’une coquille sphérique creuse, la gravité s’annule. Résultat : la sphère et l’étoile flottent indépendamment l’une de l’autre, sans aucun mécanisme pour maintenir l’alignement.
Très vite, des mouvements aléatoires ou des perturbations gravitationnelles entraîneraient alors une collision catastrophique entre la coquille et l’étoile qu’elle est censée contenir. Fin de l’histoire.
L’idée révolutionnaire : deux étoiles au lieu d’une
Mais récemment, un ingénieur de l’université de Glasgow, Colin McInnes, a proposé une solution aussi élégante qu’ingénieuse : et si on utilisait deux étoiles au lieu d’une seule ?
Dans un article publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, McInnes explore les systèmes stellaires binaires — des couples d’étoiles qui orbitent l’une autour de l’autre, très courants dans l’univers.
Son idée : dans un système binaire où l’une des étoiles est beaucoup plus petite que l’autre (moins de 10 % de la masse), il serait possible de construire une sphère de Dyson autour de la plus petite. Grâce à un subtil jeu d’équilibre gravitationnel, cette sphère pourrait rester stable, ancrée dans l’orbite commune des deux étoiles.
Ce n’est pas de la science-fiction : c’est de la physique théorique solide.
Des implications vertigineuses pour la recherche extraterrestre
Et si cette solution est valable, elle change radicalement notre manière de chercher des civilisations extraterrestres avancées.
Jusqu’ici, les scientifiques qui traquent d’éventuelles sphères de Dyson se concentraient sur les étoiles isolées, en scrutant les anomalies lumineuses ou les excès d’infrarouge. Mais si McInnes a raison, nous cherchons au mauvais endroit.
Il faudrait plutôt observer des étoiles binaires, notamment celles où une étoile brillante est accompagnée d’un petit compagnon entouré d’une source diffuse de chaleur. Ce « halo » infrarouge pourrait être le rayonnement résiduel d’une sphère de Dyson… et le signe d’une civilisation très avancée.
Une belle théorie, mais encore très spéculative
Une belle théorie, mais encore très spéculative
Évidemment, cette découverte reste purement théorique. Construire une sphère de Dyson dépasse encore largement nos capacités technologiques. On parle ici d’un projet si colossal qu’il impliquerait — littéralement — de démanteler des planètes entières.
Pourquoi ? Parce que pour entourer une étoile avec une coque complète, il faut une quantité astronomique de matière. Une planète géante comme Jupiter, par exemple, pourrait théoriquement fournir assez de matériaux pour former une coquille de la taille de l’orbite terrestre. C’est pourquoi les versions les plus extrêmes du concept imaginent désassembler des planètes pour recycler leur matière et construire cette mégastructure.
Et ce n’est que le début du défi. Il faudrait ensuite assembler une structure de la taille d’un système solaire, capable de résister à des forces mécaniques immenses, de maintenir son intégrité dans l’espace, et de gérer la chaleur intense émise par l’étoile enfermée. Une tâche qui dépasse de loin tout ce que l’humanité a jamais accompli.
Enfin, même dans sa version « stabilisée », la sphère de Dyson imaginée par McInnes devrait rester extrêmement légère, presque en suspension gravitationnelle, pour ne pas perturber l’équilibre délicat du système stellaire. Autrement dit : ce n’est pas pour demain.
Mais cela n’enlève rien à l’intérêt de cette étude. Comme souvent en science, le but n’est pas forcément de construire ce dont on parle, mais d’envisager ce qui pourrait être possible ailleurs dans l’univers — et donc, ce que nous pourrions espérer détecter.
Vers une nouvelle stratégie pour capter des signes de vie ?
Cette avancée théorique pourrait bien influencer les prochaines missions de recherche d’intelligence extraterrestre. Si une civilisation a réellement construit une sphère de Dyson, elle a sans doute dû résoudre ce même casse-tête gravitationnel.
Et maintenant que nous avons une solution plausible sur le papier, il ne reste plus qu’à chercher les bons signaux.
Alors, les sphères de Dyson ? Peut-être qu’elles n’appartiennent pas qu’à la science-fiction, après tout.