L’intelligence, vraiment ?
Mise à jour le 2025-11-14 15:20:00 : L’exposition « Le monde selon l’IA » explore les liens entre intelligence artificielle et création artistique. Cette thématique soulève des questions cruciales sur notre perception et compréhension du monde.
Dans ce vaste atelier qu’était devenu le Jeu de Paume, l’exposition « Le monde selon l’IA » explorait les interactions entre l’intelligence artificielle et la création artistique. Un catalogue permet de retrouver et prolonger cette expérience, pour reprendre son lexique, au fil des textes d’Ada Ackerman, Alexandre Gefen, etc., et de plus de deux cents illustrations, sous la direction d’Antonio Somaini, commissaire de cette exposition qui présentait, débordant du champ esthétique, une quarantaine d’œuvres internationales (installations multimédias, photographie, littérature, etc.). Elle commençait par le sous-sol, là où résident les terres rares indispensables au monde invisible de l’intelligence artificielle (IA). Ces précieux minerais étaient disposés sur fond noir : métaphore des boîtes noires, « espaces latents » où s’organise l’énonciation du monde, ces milliards d’informations collectées sur la Toile (comme on ratisse les fonds océaniques), étiquetées, encodées par des millions de « travailleurs précaires du clic », chargés de constituer les « jeux de données » qui entraîneront les IA à parfaire leur automatisation de tâches.
De l’extraction minière jusqu’à l’exploitation des données, les parcours sont complexes. Le diagramme Calculating Empires (2023) des chercheurs Kate Crawford et Vladan Joler retrace, interprète, à travers d’immenses généalogies visuelles (près de quarante mètres carrés), comment, depuis l’an 1500, date « des premiers réseaux culturels et économiques d’ampleur mondiale », s’entrelacent systèmes technologiques et rapports de pouvoir. Des processus d’accumulation, de contrôle et de dépossession auxquels n’échappent pas les IA, objets de calculs mathématiques et politiques pour générer ces flux d’images qui annexent territoires numériques et « univers cognitifs, culturels, politiques ».
Percevoir, imaginer, comprendre : ces actions passent par le filtre opaque des IA. Qu’elles soient analytiques, propres aux systèmes de vision artificielle et de reconnaissance faciale pour détecter, reconnaître, catégoriser les données existantes — quitte, selon les biais idéologiques innervant les jeux de données, à fausser les rendus statistiques (ce que donne à percevoir l’artiste et géographe Trevor Paglen). Ou qu’elles soient génératives, produisant de nouvelles données à partir des corpus de textes ou d’images existants, levains d’une littérature sans auteur (ChatGPT) ou d’une photographie sans regard. Le résultat consacrant une « visualisation de données synthétisées à partir des images stockées dans les bases constituées. Une image à la confluence de “l’archive et de la statistique”, indissociable de l’histoire de la photographie » (Noam M. Elcott et Tim Trombley), bien qu’en repoussant chacun des fondements, l’œil, le cadrage, la lumière, etc. L’image n’est que le produit des « prompts », instructions données aux IA pour transformer ces agrégats numériques en représentations visuelles.
Des images « sans référence avec le réel » générées par des IA borgnes, animées d’une « cognition aveugle au monde » qui nous « rend aveugles aux faits », observe Mathieu Corteel, philosophe et historien des sciences dans un stimulant essai. Les IA, nous dit-il, s’hybrident aux mondes humains. Lesquels projettent des visions anthropotechniques sur les IA, qui ne sont que des « modèles mathématiques traitant des données ». « Illusions aliénantes », responsables d’une « part de non-sens, d’absurde dans nos agissements quotidiens ». Car ce que siphonnent les géants du Net, c’est l’intelligence produite par nos cerveaux, avec laquelle ils nous font douter de nos capacités cognitives, toutes « promptes » à s’en remettre à un « inconscient machinique ».
Ce qu’il faut savoir
- Le fait : L’exposition « Le monde selon l’IA » met en lumière les interactions entre l’IA et l’art.
- Qui est concerné : Le public intéressé par l’art et la technologie.
- Quand : Non précisé.
- Où : Jeu de Paume, Paris.
Sources
Source : Le Monde Diplomatique
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Date de publication : 2025-11-14 15:20:00
Auteur : Cédric Balcon-Hermand – Consulter sa biographie, ses projets et son travail. Article vérifié, recoupé, reformulé et enrichi selon la ligne éditoriale Artia13, sans reprise d’éléments protégés.
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