Invité d’Impacts Santé, l’évènement de La Tribune qui s’est tenu dans les salons de l’hôtel des Arts et Métiers, à Paris, le jour même d’une grève et de manifestations de médecins qui refusent une proposition de loi règlementant leur installation, Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, ne pouvait que saisir l’occasion d’envoyer un message. Il l’a fait. « J’appelle au dialogue avec l’ensemble de la communauté des professionnels de santé et tout l’écosystème », a-t-il lancé, afin d’élaborer des solutions aux problèmes dont pâtit le modèle français, dont les déserts médicaux et les difficultés d’accès aux soins.
D’autant qu’on « ne gère pas la pénurie de médecins en régulant la pénurie », a-t-il indiqué, faisant allusion à la proposition du député (PS) de la Mayenne, Guillaume Garot, en vue de lutter contre les déserts médicaux, et surtout, à l’article 1, qui permet, via une autorisation d’installation des médecins, délivrée par l’Agence Régionale de Santé (ARS), de flécher l’installation des généralistes et des spécialistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante. Le ministre a d’ailleurs précisé qu’il avait demandé le retrait de ce fameux article 1. « Le remède, qui a de quoi rebuter les étudiants, est pire que le mal », a-t-il admis.
Revoir l’ensemble du système
Toutefois, « nous avons une obligation collective », a-t-il précisé. Le ministre aborde là les deux jours de travail par mois effectués par certains médecins en zone sous-dotée. Mais Yannick Neuder va plus loin dans sa pensée que la gestion du mouvement de grogne actuel ou même des déserts médicaux.
Il s’agit pour lui de revoir l’ensemble du système, et en particulier l’organisation des hôpitaux et de la médecine de ville. D’où son appel à un large dialogue. Car si les maux du système sont bien « la résultante des politiques passées », comme il le dit, il reste à les soigner. Mais comment ?
Un décret docteur junior
En commençant par le numerus clausus. Remplacé par un numerus apertus en 2020, le nouveau dispositif n’a pas permis d’augmenter sensiblement le nombre d’étudiants… Le ministre propose donc la « suppression totale du numerus clausus ». S’il faut encore que les universités soient assez grandes ou les facultés de médecine plus nombreuses pour accueillir de nouveaux étudiants, Yannick Neuder espère aussi « récupérer » des étudiants partis à l’étranger faire leurs études.
Des études qu’il voudrait également un peu plus courtes, du fait, d’une part, d’une formation continue, et, d’autre part, de l’apport du numérique et de l’intelligence artificielle au domaine de la santé. Pour ce faire, il a l’intention, avant cet été, par décret, de clarifier le statut (et la rémunération) de maître de stage ainsi que de docteur junior (qui a remplacé celui d’interne senior, en 2020).
« Des gains d’efficience sont à réaliser »
Bien sûr, le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins s’interdit de commenter ce que décideront les élus au Parlement, mais il ne souhaite pas que « des économies soient faites sur la santé dans le budget 2026 », même si des gains d’efficience, y compris financière, sont à réaliser. A ce titre, il regrette lors des débats à l’Assemblée que « la santé, sujet majeur pour les Français, serve d’outil politique très populiste ».
En ce sens, il rejoint les préoccupations exprimées lors d’Impacts Santé plus tôt dans la matinée par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé entre 2012 et 2017, lorsqu’elle a déclaré, à propos des coupes dans la recherche, la science et l’aide internationale initiées par l’administration Trump, que « la santé est soluble dans le populisme ».
Aujourd’hui présidente du Conseil d’administration d’Unitaid, une organisation internationale chargée de l’accès aux médicaments, en particulier pour les pays en développement, Marisol Touraine s’est inquiétée de nouvelles contaminations, notamment au VIH, et d’une mise en doute, au plus haut niveau, puisqu’il s’agit du secrétaire américain à la Santé, Robert Kennedy, concernant les vaccins. D’ailleurs, pour Yannick Neuder, non seulement le pays de Pasteur doit porter la bonne parole dans ce domaine au niveau de l’Europe, mais en plus « nous devons rattraper notre retard, notamment en ce qui concerne le vaccin contre la méningite pour les jeunes en France », a-t-il insisté. Même chose pour la prévention, encore trop négligée.
Reste un dernier dossier, également au centre des discussions en France, celui de la fin de vie. Le ministre de la Santé actuel fait valoir qu’avant tout, tous les patients doivent avoir accès aux soins palliatifs. Or ils ne sont que la moitié aujourd’hui. D’ailleurs « dans la majorité des cas, un tel accès permet un renoncement à l’aide à mourir », relève-t-il, tandis que l’ancienne ministre veut recentrer le débat « sur la toute petite minorité des malades qui veulent pouvoir disposer de la possibilité » de mourir. Dans tous les cas, « avant de légiférer, déclare Yannick Neuder, les soignés doivent pouvoir s’exprimer et les soignants bénéficier d’un droit de conscience ».