Les salariés français sont-ils plus souvent en arrêts-maladies que les salariés allemands, comme l’affirme Amélie de Montchalin ?

Selon le Premier ministre François Bayrou, notre pays « ne produit pas assez ». Il s’exprimait lors d’une conférence de presse mardi 15 avril, après une conférence autour des finances publiques de la France. De son côté, dans cette même conférence de presse, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a pointé une « dérive » des arrêts-maladies. « Dans l’emploi, il y a une différence avec l’Allemagne très grande, qui sont les arrêts-maladies. On en a beaucoup plus », a-t-elle affirmé dans une interview le lendemain sur TF1.

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**Présenté comme cela, cette affirmation est fausse. La ministre s’appuie en fait sur une étude du cabinet Rexecode sur la durée effective du travail en Europe. Selon cette étude, en 2023, les salariés français ont été absents pour maladie près de deux semaines sur l’année contre un peu plus d’une semaine et demi pour les Allemands. Sauf que ce calcul ne prend en compte que les arrêts-maladies relativement longs : ceux qui ont duré au moins une semaine. Tous les arrêts plus courts, quelques jours, le temps de soigner une gastroentérite par exemple, n’apparaissent pas dans ces chiffres.

Des systèmes d’indemnisation des arrêts-maladies très différents

Si l’on regarde toutes les durées d’arrêt, ce sont les Allemands qui sont les plus absents. Selon le service des statistiques du gouvernement allemand, les salariés outre-Rhin ont été en arrêt-maladie en moyenne un peu plus de 15 jours en 2023. En France, c’était 12 jours pour les salariés du public et un peu plus de 10 jours pour ceux du privé, selon un rapport du ministère de la Fonction publique (p.166). Mais en réalité, il n’y a pas vraiment de sens à faire ce type de comparaison car la situation est très différente dans les deux pays. En Allemagne par exemple, il n’existe pas de jour de carence. C’est l’employeur qui indemnise le salarié dès son premier jour d’arrêt et jusqu’à six semaines, puis l’assurance-maladie prend le relais si nécessaire.

Il y a, en revanche, une très nette augmentation des arrêts-maladies en France, comme en Allemagne, et ce dès 2019, avant même la crise sanitaire. En France entre 2019 et 2023, le nombre d’arrêts-maladies a augmenté de près de 4% par an, selon un rapport de l’Assurance maladie et de la Drees (p.2), le service des statistiques du ministère de la Santé. C’est dû notamment au vieillissement de la population. Mais le rapport le reconnaît : cela n’explique pas tout. Il évoque d’autres raisons comme une possible dégradation des conditions de travail due à une hausse de « l’exposition à certaines pénibilités physiques » et « aux contraintes psychosociales ». La Drees et l’Assurance maladie notent enfin que les longs arrêts-maladies, de plus de six mois, représentent seulement 7% d’entre eux mais totalisent près de la moitié des dépenses.



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