Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, le président américain a usé de l’une de ses armes favorites : sa plume. Il a signé quasiment quotidiennement des décrets présidentiels. Si la plupart ont fait l’effet d’une douche froide pour de nombreux Américains, certains d’entre eux sont pour le moins étranges, voire absurdes.
L’un des derniers en date, celui sur le débit des douches, a inondé les réseaux sociaux et les titres de presse. Mercredi dernier, le président a signé un décret visant à libéraliser les débits des pommeaux de douche, mis en place pour limiter la consommation d’eau. « Pour ma part, j’aime prendre une bonne douche pour prendre soin de mes beaux cheveux », a même ironisé le républicain. «Make America’s showers great again», a commenté la Maison-Blanche, une phrase basée sur le slogan MAGA (Make America great again) de Trump.
En février, il a également signé un décret autorisant de nouveau les pailles en plastiques souhaitant bannir celles en papier. « Je les ai utilisées plusieurs fois, et parfois elles se cassent, elles explosent », avait-il alors commenté. Autre décret pour le moins ahurissant : celui de renommer le golfe du Mexique en golfe d’Amérique. C’est désormais celui-ci que les utilisateurs de Google Maps voient apparaître sur la carte.
Mais « ces décrets ne sont pas si ridicules que ça si on les décortique », estime Romuald Sciora, chercheur associé à l’Iris et auteur de L‘Amérique éclatée, plongée au cœur d’une nation en déliquescence (Armand Colin). « Ils font partie d’une stratégie qui est d’occuper le terrain en permanence mais surtout de donner l’impression aux Américains moyens que le président se penche sur leurs problèmes quotidiens, que ce soit les pailles, ou les débits de douche », explique-t-il, interrogé par La Tribune. Une dynamique, selon l’expert, comparable à celle qu’il a utilisé lors de sa campagne quand il avait vendu des frites au drive de McDonald ou encore conduit un camion poubelle.
Noyer le poisson
Outre satisfaire son électorat, l’autre objectif est de noyer le poisson. Car avec 124 décrets signés au total à ce jour depuis son investiture, Donald Trump détient un record. À titre de comparaison, l’année de sa prise de poste, l’ancien président Joe Biden en avait signé 77. Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, n’avait d’ailleurs pas nié cette stratégie, lors d’une entrevue à PBS, un réseau de télévision, en 2019 :
« Le parti d’opposition, ce sont les médias. Et les médias, parce qu’ils sont stupides et paresseux, ne peuvent se concentrer que sur une seule chose à la fois… Tout ce que nous avons à faire, c’est d’inonder la zone. Chaque jour, nous les frappons avec trois choses. Ils en mordent une, et on peut faire tout ce qu’on a à faire. Bang, bang, bang».
À côté de ces décrets absurdes, Donald Trump continue, en effet, de signer ceux qui servent sa politique : mise en place des droits de douane, démantèlement du ministère de l’éducation, gel de l’aide étrangère (USAID), retrait des États-Unis de l’accord de Paris… Un véritable sprint d’executives orders et la liste est encore longue. « Une grande partie de ces signatures font partie du ‘show’ de Donald Trump », estime Romuald Sciora. « La révolution institutionnelle et culturelle menée par Trump et un petit groupe de personne résulte en un nombre disproportionné de décrets », complète-t-il.
De plus en plus de recours judiciaires sont lancés dans le même temps contre nombre de décrets. Et des voix s’inquiètent d’une possible crise constitutionnelle aux États-Unis, notamment si l’administration Trump n’applique pas les décisions de justice qui n’iraient pas dans leur sens. Ce qui n’est néanmoins pas le cas pour l’instant.
Reste enfin à voir si le président va garder sa cote de popularité auprès de ses électeurs, alors que sa guerre commerciale risque d’augmenter les prix dans le pays. Les derniers sondages ne plaident pas, néanmoins, en faveur de sa politique. Mais Romuald Sciora tend à rappeler que « pendant quatre ans, Trump a été l’un des présidents les plus impopulaires de l’histoire des États-Unis ». Et pourtant, le revoilà élu pour quatre ans à la Maison-Blanche…