La région Occitanie refuse de soutenir un colloque sur l’environnement

17 avril 2025 à 14h46

Mis à jour le 17 avril 2025 à 15h31

Durée de lecture : 5 minutes

Toulouse, correspondance

« C’est un très mauvais signal envoyé à la discipline. » Marianne Blanchard est perplexe. Pour le onzième congrès de l’Association française de sociologie (AFS), dont elle est élue au comité exécutif, organisé à Toulouse sur le thème « Environnement(s) et inégalités », la région Occitanie a refusé de verser une subvention de 5 000 euros qui était demandée pour structurer l’événement.

Organisé tous les deux ans dans une ville différente, le congrès, « un moment fort pour la discipline », accueillera en juillet plus de 1 000 chercheuses et chercheurs français et internationaux pendant quatre jours, pour réfléchir et échanger autour de ces thématiques.

Traditionnellement, le congrès reçoit des subventions des métropoles, comme en 2023 à Lyon ou en 2021 à Lille, explique Marianne Blanchard, maîtresse de conférences en sociologie, rattachée à l’université Toulouse-Jean Jaurès. « D’emblée, la métropole toulousaine nous a indiqué qu’elle ne soutenait pas ce genre de congrès », selon la chercheuse, également membre du Centre d’étude et de recherche travail, organisation, pouvoir (Certop).

L’AFS s’est alors tournée vers la région Occitanie, qui dispose d’un programme dédié au financement des colloques et d’une enveloppe de 200 000 euros. « Nous avons transmis un dossier de 71 pages et reçu une réponse laconique de quelques lignes, nous indiquant que notre demande ne rentrait pas dans les critères », s’indigne la chercheuse, pour qui les « arguments sont bancals ». « Nous avons le sentiment qu’il s’agit d’un choix qui n’est pas assumé clairement. »

Selon la sociologue, plusieurs arguments auraient été avancés, notamment le fait que la thématique du congrès ne serait pas prioritaire pour la région, qu’il n’y aurait pas de dimension internationale, ou encore que ce congrès ne serait qu’une réunion entre sociologues sans dimension de recherche.

Dans un mail à Reporterre, la région Occitanie confirme que « cet événement relève d’une rencontre de professionnels et non d’un programme de recherche ou d’un colloque scientifique. À ce titre, il n’est pas éligible au dispositif sollicité ».

Une région contre l’écologie ?

Pas de quoi atténuer la polémique. Hadrien Clouet, député toulousain de La France insoumise (LFI) et lui-même sociologue, a envoyé le 15 avril une lettre à la présidente de région, Carole Delga. Avec Arnaud Saint-Martin, député insoumis de Seine-et-Marne, ils dénoncent le fait que « pour la première fois, un événement scientifique de portée internationale […] ne recevra aucune subvention régionale en vue de sa tenue et de son fonctionnement ».

Pour la région Occitanie, il s’agit d’une « fausse polémique » alimentée par les députés insoumis. « Ce refus logique de subvention hors critères n’est donc qu’un prétexte à une instrumentalisation politicienne et à une nouvelle attaque mensongère de la part du député LFI Hadrien Clouet et des soutiens de Jean-Luc Mélenchon. Sans aucun fondement », a-t-on répondu par mail à Reporterre, avant de réaffirmer le soutien de la région aux « côtés des chercheurs en sciences humaines et sociales ». Un nouveau rendez-vous doit se tenir la semaine prochaine entre la Région et les représentants de l’Association française de sociologie.

« Des millions d’euros dans une

autoroute inutile »

Selon le député insoumis toulousain, les raisons invoquées ne sont pourtant pas valables pour justifier le non-financement de ce congrès. Pour Hadrien Clouet, la thématique « Environnement(s) et inégalités » pourrait expliquer cette décision. « Je crains que, dans une région qui dépense des millions d’euros d’argent public dans une autoroute inutile [l’A69 entre Toulouse et Castres], on ressente de la gêne à verser 5 000 euros pour cet événement », dit-il à Reporterre, en référence au soutien indéfectible de Carole Delga à l’A69.

Les chercheurs ciblés

Le sociologue dénonce également un climat délétère pour la sociologie comme discipline scientifique, incarné à l’international par la politique de Donald Trump, mais également bien présent en France.

Marianne Blanchard abonde dans ce sens, rappelant les nombreuses accusations d’« islamogauchisme » ou de « wokisme » dont les sociologues sont parfois la cible. « L’Association française de sociologie est très attachée à la défense de cette discipline, notamment à l’international. Nous allons, par exemple, faire partie d’une délégation le 25 avril prochain pour assister au procès de la sociologue turque Pınar Selek, harcelée depuis des décennies par le régime, qui sera jugée à Istanbul. »

Selon elle, le refus d’accompagner financièrement le congrès et le non-versement des 5 000 euros risquent d’avoir des conséquences très concrètes, « notamment sur l’organisation et sur le prix d’entrée pour les participants ». Dernier espoir : le département de Haute-Garonne pourrait prochainement voter une subvention pour soutenir ce congrès.

Joint par téléphone, Hadrien Clouet « espère que la vague trumpiste qui déferle sur les sciences sociales ne passera pas les Pyrénées pour arriver à Toulouse. Dans tous les cas, c’est un très mauvais signal envoyé par la région ».

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