
Mercredi 23 avril, la commission des Affaires juridiques (JURI) du Parlement européen a approuvé à l’unanimité un avis juridique rejetant la tentative de la Commission de contourner les négociations avec les eurodéputés pour l’adoption d’un outil de prêt de 150 milliards d’euros destiné au réarmement.
Les membres de la commission JURI ont voté à l’unanimité en faveur d’un avis juridique rejetant la tentative de la Commission européenne de contourner le Parlement dans la procédure législative sur un outil de prêt de 150 milliards d’euros destiné au réarmement prévu dans le cadre de l’initiative ReArm Europe.
Si la Commission dispose d’une autonomie totale dans le choix des bases juridiques de ses propositions, ce vote non contraignant pourrait néanmoins déclencher un conflit interinstitutionnel plus large.
Proposée en mars, l’initiative ReArm Europe prévoit notamment 150 milliards d’euros de prêts pour l’achat commun d’équipements de défense fabriqués en Europe dans le cadre de l’instrument SAFE (Security Action for Europe). Afin d’accélérer l’adoption de cet outil, la Commission avait invoqué l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE).
Cet article — un « 49.3 » européen — a déjà permis à la Commission de faire adopter rapidement et en contournant les eurodéputés des propositions législatives telles que l’achat des vaccins COVID. Ne passant pas par le Parlement, les textes législatifs élaborés via cette procédure d’urgence sont directement soumis par l’exécutif au Conseil pour négociation et adoption. Dans ce contexte, le Parlement peut uniquement soumettre des suggestions et demander des débats.
Mais pour le service juridique du Parlement, l’article 122 n’est pas approprié dans ce cas. La proposition ne remplit pas les conditions requises pour l’accélération de la procédure et ne repose pas sur une base juridique solide.
Vers un conflit interinstitutionnel plus large ?
C’est désormais à la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, de décider de la suite à donner à cette affaire. La Maltaise pourrait choisir de convoquer un débat en plénière, écrire une lettre officielle à Ursula von der Leyen, ou encore saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
En mars, Ursula von der Leyen avait justifié le recours à la procédure accélérée en qualifiant d’urgente et de « seule voie possible » l’adoption de l’instrument.
Les députés européens n’avaient pas été convaincus, doutant de l’« urgence » invoquée pour justifier la procédure accélérée. Ils s’étaient également montrés de plus en plus frustrés par les tentatives de mise à l’écart du Parlement par Ursula von der Leyen.
Et même sa propre famille politique, le Parti populaire européen (PPE), ne semblait pas approuver la démarche.
Cette décision est « une erreur », avait affirmé Manfred Weber, chef du parti de centre-droit. « La démocratie européenne repose sur deux piliers : ses citoyens et ses États membres. Nous avons besoin des deux pour notre sécurité. »
La Commission européenne a refusé de commenter directement l’affaire. « C’est aux États membres de l’approuver », s’est contenté de déclarer un porte-parole jeudi 24 avril. Il a également souligné que l’article 122 avait déjà été utilisé lors de crises précédentes et avait permis l’achat commun de vaccins contre la COVID pendant la pandémie et celui de gaz durant la crise énergétique.