
En 2024, l’Allemagne était l’État membre de l’UE ayant consacré le montant le plus élevé aux dépenses de défense, selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publié le 28 avril. Et le pays devrait continuer dans cette direction, puisqu’il aurait demandé à Bruxelles à être exempté de respecter la règle limitant le déficit budgétaire des Vingt-Sept à 3 % de leur PIB afin de stimuler ses dépenses militaires.
L’année dernière, les dépenses militaires mondiales ont connu leur plus forte augmentation depuis la fin de la Guerre froide, atteignant 2 700 milliards de dollars, note le SIPRI dans son rapport.
Dans l’Union européenne, c’est l’Allemagne qui a effectué le plus de dépenses militaires.
Le rapport indique que les dépenses allemandes ont atteint 77,8 milliards d’euros (88,5 milliards de dollars) l’année dernière.
L’Allemagne est le quatrième pays au niveau mondial, juste derrière les États-Unis, la Chine et la Russie.
L’explosion de ce poste de dépense est due à un fonds hors budget de 100 milliards d’euros créé pour moderniser l’armée allemande, explique Lorenzo Scarazzato, chercheur au SIPRI.
Derrière l’Allemagne, on retrouve en Europe le Royaume-Uni, qui a dépensé 71,9 milliards d’euros (81,8 milliards de dollars), suivi de l’Ukraine et de la France, tous deux avec 56,9 milliards d’euros (64,7 milliards de dollars).
Tous les pays européens, à l’exception de Malte, un État neutre, ont augmenté leurs dépenses militaires. Les hausses les plus importantes en un an ont été enregistrées en Roumanie (43 %), aux Pays-Bas (35 %), en Suède (34 %) et en République tchèque (32 %).
« Les dernières mesures adoptées en Allemagne et dans de nombreux autres pays européens suggèrent que l’Europe est entrée dans une période de dépenses militaires élevées et croissantes qui devrait se poursuivre dans un avenir prévisible », note Lorenzo Scarazzato.
À titre de comparaison, les dépenses américaines ont atteint 876,5 milliards d’euros (997 milliards de dollars) en 2024. Cela représente 66 % de l’ensemble des dépenses des 32 pays membres de l’OTAN et 37 % des dépenses militaires mondiales totales en 2024.
Atteindre l’objectif de 2 % du PIB
Même si les hausses sont importantes, certains pays européens doivent encore fournir beaucoup d’efforts pour dépasser, ou même simplement atteindre, l’objectif de 2 % du PIB national devant être consacré aux dépenses de défense.
Cet objectif, fixé par l’OTAN, est actuellement sujet à débats, le président américain Donald Trump souhaitant le porter à 5 % du PIB.
Les Alliés devraient se mettre d’accord sur un chiffre lors d’un sommet de l’OTAN qui se tiendra à La Haye en juin. Les diplomates s’attendent à ce qu’un compromis soit trouvé entre 3 % et 3,5 %.
La Pologne est l’État membre de l’UE qui consacre la plus grande part de son PIB à la défense. En 2024, ses dépenses de défense étaient en hausse de 31 % par rapport à 2023, et elles ont atteint 33,4 milliards d’euros (38,0 milliards de dollars), selon les données du SIPRI. L’OTAN indique que Varsovie a alloué environ 4,07 % de son PIB à la défense en 2024, sur la base des prix et des taux de change de 2021.
En ce qui concerne l’Allemagne, malgré la hausse de 28 % par rapport à l’année précédente, Berlin n’a consacré que 2,1 % de son PIB aux dépenses militaires en 2024, selon les chiffres publiés jeudi 24 avril par l’alliance militaire occidentale.
Dépenser plus
L’Allemagne cherche à augmenter davantage ses dépenses militaires, notamment à la lumière de la guerre en Ukraine.
Le Bundestag a adopté une réforme constitutionnelle qui exemptera les dépenses militaires dépassant 1 % du PIB de ses règles limitant l’endettement (le frein à l’endettement prévu par la Constitution du pays).
Toutefois, aucun plan concret sur la manière dont cette nouvelle dette pourrait être utilisée par le gouvernement allemand n’a encore été présenté.
Parallèlement à cela, selon l’agence de presse Reuters, Berlin aurait demandé à la Commission européenne de l’exempter des limites d’emprunt afin de stimuler les dépenses de défense.
Dans une lettre, envoyée à Bruxelles, le ministre allemand des Finances sortant, Jörg Kukies, demande l’activation de la « clause dérogatoire » du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE qui permettrait à Berlin d’augmenter ses dépenses de défense de 1,5 % du PIB annuel pendant quatre ans sans enfreindre les règles budgétaires de l’Union.
Les règles du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE interdisent aux États membres d’enregistrer des déficits budgétaires supérieurs à 3 % du PIB annuel.
« Nous considérons la proposition de la Commission visant à activer de manière coordonnée la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance comme une mesure complémentaire importante pour permettre une augmentation des dépenses nationales de défense tout en préservant la viabilité budgétaire », peut-on lire dans la lettre.
La décision de l’Allemagne d’activer cette clause intervient après que le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, a annoncé un plan de 1 000 milliards d’euros pour la défense et les infrastructures au début de l’année, rompant ainsi avec des décennies de rigueur budgétaire caractérisant la première économie de l’UE.
La Commission estime que l’activation de la clause dérogatoire pourrait permettre d’augmenter les dépenses de défense de l’UE jusqu’à 650 milliards d’euros, si tous les États membres augmentaient « progressivement et régulièrement » leurs dépenses de 1,5 % du PIB annuel au cours des quatre prochaines années.
L’activation de cette clause est un élément clé du plan ReArm Europe de la Commission, qui prévoit 150 milliards d’euros de prêts à taux avantageux pour des projets de défense communs.
Toutefois, jusqu’à présent, seule une poignée d’États membres ont manifesté leur intérêt pour l’activation de cette clause, craignant qu’une augmentation soudaine des dépenses de défense n’effraie le marché des obligations.
Huit pays, dont la France, l’Italie et la Pologne, font actuellement l’objet d’une procédure pour déficit excessif pour avoir dépassé la limite de 3 %.
Le Portugal est le seul pays à avoir explicitement déclaré qu’il chercherait à invoquer cette clause, bien que la Pologne ait déclaré la semaine dernière qu’elle « envisageait sérieusement » de l’activer.
La Belgique et la Bulgarie n’ont pas non plus exclu de demander à bénéficier de ce dispositif, selon des responsables gouvernementaux.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]