Le brouillard qui s’est abattu sur la santé mentale des Français depuis la crise du Covid-19, en 2020, semble encore loin de se dissiper. Chaque année, les difficultés psychiques frappent 13 millions de personnes. Pour l’Organisation mondiale de la santé, le « stress sans précédent causé par l’isolement social résultant de la pandémie » explique principalement l’augmentation de la dépression et de l’anxiété. Et avec un système de soins submergé, les situations ont parfois empiré.
Le Premier ministre, François Bayrou, a suivi la voie ouverte par son prédécesseur, Michel Barnier, et érigé la santé mentale en grande cause nationale. Un simple coup de projecteur ne suffira pas pour répondre aux enjeux colossaux. Une stratégie « de prévention et d’accompagnement » sera présentée en juin, succédant à la feuille de route de 2018 et aux assises organisées en 2021.
Selon un baromètre de la fédération hospitalière de France, 82 % des Français jugent encore tabous les troubles psychiatriques. Les récents « coming out » de personnalités témoignent d’une libération de la parole, mais la dynamique doit être amplifiée. Depuis 2018, des volontaires sont formés aux premiers secours en santé mentale (PSSM). L’association PSSM France, à la manœuvre avec le soutien du gouvernement, vise les 750 .000 secouristes d’ici 2030.
Le dispositif se déploie notamment dans l’éducation nationale, les jeunes étant particulièrement impactés. Le bien-être mental figure aussi au menu des bilans de santé aux âges-clés promis par Emmanuel Macron. Lancés l’année dernière, ces dispositifs peinent toutefois à décoller.
« Plusieurs signaux montrent que le tabou autour des difficultés psychiques est en train de diminuer, même si le chemin à parcourir reste énorme. L’enjeu est d’abord d’avoir une vision politique claire et de fixer un cap pour construire une approche sur plusieurs années. Il faudra ensuite mieux articuler les acteurs pour travailler de plus en plus de façon transversale et non en silos », analyse Jean-Philippe Cavroy, délégué général de la fédération santé mentale France.
Redresser le système de soins s’impose comme une priorité absolue. À l’hôpital, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a annoncé une réforme des urgences psychiatriques. « Augmenter le nombre de lits dans les hôpitaux peut parfois être une solution mais cela n’est pas toujours nécessaire, même si la situation diffère selon les territoires, avance Jean-Philippe Cavroy. D’autres solutions existent, par exemple, le recours à des équipes-mobiles intervenant à domicile ; l’appui sur des relais comme les proches, la famille ou les professionnels de l’accompagnement ; la psychoéducation, permettant à la personne concernée de mieux comprendre ce qui lui arrive. »
Un dispositif boycottépar les psychologues
En ville, pour obtenir un rendez-vous dans les centres médico-psychologiques, il faut attendre en moyenne six mois. Dans les cas les plus légers, le dispositif Mon soutien psy permet le remboursement par l’assurance-maladie d’un nombre limité de séances chez un psychologue. Malgré des ajustements, toute la profession n’est pas convaincue.
« Ce dispositif ne répond pas aux besoins. Pour cette raison, il est largement boycotté par les psychologues. Toutes les situations ne se soignent pas en libéral, l’intervention d’une équipe pluriprofessionnelle étant nécessaire dans certaines situations. Et on ne peut pas tout régler en 12 séances, certaines révélations, d’abus ou d’agression sexuelle par exemple, intervenant parfois tardivement », dénonce Florent Simon, secrétaire général du Syndicat national des psychologues.
Son organisation conteste les chiffres de assurance-maladie-le-deficit-sera-plus-eleve-que-prevu-en-2024-1005921.html » target= »_blank »>l’assurance-maladie, qui revendique 5 500 psychologues participants. « Il faudrait une vraie politique avec d’abord un volet service public qui renforcerait les CMP qui sont sous-dotés et où des postes ont été retirés année après année. Et ensuite, un dispositif construit avec la profession qui permettrait de rembourser un plus grand nombre de séances », poursuit-il.
Face à la pénurie de soignants, une revalorisation paraît indispensable. En attendant, de nouveaux métiers émergent, comme les infirmières de pratique avancée aux compétences élargies. La pair-aidance professionnelle (c’est-à-dire l’embauche d’une personne rétablie d’un trouble psychique) commence également à trouver sa place. Preuve que la déstigmatisation est en marche.