
Après avoir récupéré la cathédrale orthodoxe de Nice en 2013, la Russie a été reconnue propriétaire d’une église et d’un cimetière de la ville, au détriment de l’association cultuelle qui les gérait depuis un siècle.
Dans une décision rendue jeudi, révélée samedi par Nice-Matin et que l’AFP a pu consulter, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné l’expulsion de l’Association cultuelle orthodoxe russe (Acor) de ces deux lieux emblématiques à Nice.
La Russie désintéressée depuis les années 1920
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la famille impériale et l’Eglise orthodoxe de Russie avaient acquis des terrains à Nice et érigé des édifices religieux, qui ont accueilli les Russes en villégiature sur la Côte d’Azur puis ceux qui s’y sont installés après la révolution de 1917.
Le pouvoir soviétique s’est désintéressé de ces biens, qui ont été confiés dans les années 1920 à l’Acor, créée pour assurer la continuité du culte. La paroisse orthodoxe russe de Nice ne s’est cependant jamais affiliée au patriarcat de Moscou, lui préférant le patriarcat de Constantinople, puis en 2019 le patriarcat de Roumanie.
Propriété de l’Etat russe
Après la chute de l’URSS, la Fédération de Russie est venue réclamer ses propriétés. L’Acor a lutté, au nom du droit à la prescription acquisitive, qui permet de revendiquer la propriété d’un bien si on en a acquitté les impôts pendant plus de 30 ans. Mais Moscou a fait valoir que les propriétés de l’Eglise russe étaient de fait propriété de l’Etat russe, puisqu’ils n’étaient pas séparés lors des acquisitions et constructions, et que la propriété d’un Etat était imprescriptible.
Après des années de bataille juridique, la cour d’appel a estimé que même s’ils avaient été achetés grâce à des dons privés, ces deux sites étaient propriété de l’Eglise et donc de l’Etat russe, et que l’autorité qui les avait confiés à l’Acor dans les années 1920 n’avait pu lui transmettre que la mission d’organiser le culte, pas la propriété des biens.
« Un sentiment de colère et d’injustice »
« Je ne devrais pas dire cela dans une église, mais ce qui m’anime, c’est un sentiment de colère et d’injustice. Cela fait vingt ans que l’on se fout de nous. On nous a mis dehors de la cathédrale et maintenant c’est l’église », déplore Tatiana Chirinsky Abolin, 77 ans, trésorière de l’Acor, auprès du Figaro. Hélène Funck Dloussky, 82 ans, elle aussi membre de l’association, trouve cette décision « scandaleuse », « parce que cette église n’a en rien été payée ou entretenue par les Soviétiques, pas plus que par Poutine ».
« Nous sommes atterrés », a déclaré à l’AFP Alexis Obolensky, président de l’Acor. « On nous lâche dans la nature, on ne sait plus où aller. Ce sont des centaines de fidèles qui sont concernés et qui sont jetés à la rue. » Et cela peut aller vite : en 2013, la Russie avait repris la cathédrale en faisant changer toutes les serrures du jour au lendemain.