La Réparation (2⭐/5)
Un odieux cuisinier bientôt triplement étoilé se volatilise après être parti chasser avec son second, et possible futur gendre, dont il ne veut pas… Hitchcock en aurait fait un suspense jusqu’à l’ultime minute. Régis Wargnier, avec son nouveau film, La Réparation, préfère en bannir tout mystère et nous embarquer à Taïwan pour une improbable histoire de résilience à laquelle on ne croit décidément jamais.
Quelques invraisemblances culinaires plus tard, on se surprend à trouver que même le pourtant toujours excellent Louis-Do de Lencquesaing flotte dans ses habits mal dessinés de critique du Michelin reconverti en Rouletabille des cuisines. On aurait aimé au moins un plat relevé, mais c’est l’ensemble du menu qui se révèle bien fade.
Lettres siciliennes (4⭐/5)
De ce tandem de cinéastes italiens, Fabio Grassadonia et Antonio Piazza, on avait déjà pu hautement apprécier en 2013 un premier film intitulé Salvo et, dans une moindre mesure, Sicilian Ghost Story en 2017. Ils nous reviennent cette fois en grande forme avec Lettres siciliennes. Le toujours étonnant Toni Servillo (La grande bellezza, entre autres) incarne Catello Palumbo, un ancien maire corrompu qui sort de prison et devient informateur pour des policiers qui traquent son filleul Matteo, un redoutable parrain en fuite.

On pouvait craindre une lassitude face à cette énième histoire de repenti italien qui souffrirait de la comparaison avec Le Traître, le chef-d’œuvre réalisé en 2019 par le maestro Marco Bellocchio. Mais cette nouvelle contribution à l’histoire cinématographique de la mafia sicilienne tient largement la route. La belle idée des deux scénaristes-cinéastes, c’est de s’intéresser longuement à la façon dont Matteo a organisé sa vie clandestine. Il trouve refuge chez une femme dont il avait vengé par le sang le veuvage criminel. Passant ses journées entre une chambre dissimulée derrière une bibliothèque et une cour minuscule où il tente de se réchauffer au soleil, il est comme un insecte pris dans une toile d’araignée.
Le parallèle permanent entre le traître et le traqué se révèle particulièrement fécond. Tous deux s’enfoncent dans une abyssale tragédie à la fois intime et publique. L’un perd son âme et sa dignité à force de compromissions et de lâchetés successives. L’autre sombre dans la paranoïa d’un chef qui perd progressivement son pouvoir et son aura. Le film prend alors des allures crépusculaires saisissantes.
Le Mélange des genres (2⭐/5)
Une association ultra féministe qui aurait poussé une femme victime de violences conjugales à tuer elle-même son mari, une accusation de viol montée de toutes pièces, un homme « déconstruit » aux allures de benêt intégral…

À force de vouloir briser les clichés, et pour faire rire semble-t-il, Michel Leclerc et sa co scénariste Baya Kasmi se prennent dangereusement les pieds dans le tapis d’un film proprement caricatural, Le Mélange des genres. Les situations qu’ils ont inventées prennent volontairement le contre-pied du réalisme. Comme si les deux auteurs avaient multiplié les invraisemblances scénaristiques de peur de traiter frontalement des matières actuelles hautement inflammables après notamment le procès de Mazan.
Tout y passe, au risque de virer au catalogue des sujets d’actualité post-MeToo. L’éventuel potentiel comique des situations se dilue dans ce scénario improbable qui n’en finit pas d’accumuler des quiproquos aussi mécaniques qu’artificiels. Incarnant lui-même dans son film un personnage secondaire de cinéaste roublard, Michel Leclerc semble bâtir involontairement un autoportrait qui marque très précisément les limites de sa démarche.