
Calme, méthodique, déterminé. A 71 ans, Jerome Powell est sans doute l’un des hommes les plus puissants – et les plus scrutés – de la planète. A la tête de la Réserve fédérale américaine (Fed) depuis 2018, il est le chef d’orchestre de la politique monétaire des Etats-Unis, avec une influence qui dépasse largement les frontières du pays. C’est lui qui fixe le tempo des taux d’intérêt, arbitre entre croissance et inflation, et rassure – ou affole – les marchés mondiaux.
Son mandat, déjà reconduit une fois par Joe Biden, a été marqué par une série de crises économiques d’une ampleur inédite. Il a aussi connu des épisodes politiques particulièrement tendus : des confrontations ouvertes avec Donald Trump, le président qui l’avait pourtant nommé.
Un parcours atypique vers la Fed
Juriste de formation, diplômé de Princeton puis de Georgetown, Jerome Powell n’est pas un économiste universitaire comme l’étaient ses prédécesseurs. Il a débuté comme avocat, avant de passer par la banque d’affaires, puis le Trésor américain sous George H.W. Bush. Il a ensuite rejoint le fonds d’investissement Carlyle, avant de s’engager dans la recherche au sein d’un think tank centriste.
En 2012, il est entré au Conseil des gouverneurs de la Fed, nommé par Barack Obama. Son profil modéré séduit les deux camps politiques. En 2018, Donald Trump décide de le nommer président de la Fed, préférant un républicain indépendant à la démocrate Janet Yellen. Ce choix, Donald Trump va vite le regretter.
L’homme qui a résisté aux pressions présidentielles
A peine installé, il a engagé un resserrement monétaire, relevant progressivement les taux d’intérêt pour prévenir une surchauffe de l’économie. Donald Trump, qui misait sur une croissance rapide et des marchés en hausse pour soutenir sa réélection, n’a pas du tout apprécié. A partir de 2018, il a lancé plusieurs attaques contre lui par tweets et déclarations improvisées. « La Fed est devenue folle », lâchait-il en octobre 2018. « Le plus gros problème de notre économie, c’est Powell », accusait-il encore en 2019.
Donald Trump va même essayer de le limoger, sans succès. Et aujourd’hui encore, le président est extrêmement remonté contre lui, évoquant à nouveau son possible limogeage. « Le président et son équipe continueront à se pencher sur la question » de limoger Jerome Powell, a dit à des journalistes le directeur du Conseil économique national, Kevin Hassett.
Covid, inflation, banques : un mandat sous tension
En mars 2020, alors que la pandémie de Covid-19 fait vaciller l’économie mondiale, Jerome Powell a réagi rapidement en abaissant les taux à zéro, lançant des rachats massifs d’actifs et ouvrant des lignes de crédit d’urgence. La Fed a ainsi injecté des milliers de milliards de dollars pour stabiliser le système financier et éviter un effondrement.
Mais cette politique très accommodante a conduit à un redémarrage brutal de l’inflation. Fin 2021, les prix flambent aux Etats-Unis. D’abord qualifiée de « transitoire », l’inflation dépasse 8 % début 2022. Powell change de cap et engage une série de hausses de taux parmi les plus rapides depuis les années 1980. « Il n’y a pas de manière indolore de vaincre l’inflation », admet-il en septembre 2022. Sa politique a d’ailleurs provoqué, indirectement, des fragilités dans le système bancaire, comme l’effondrement de la Silicon Valley Bank en mars 2023.
Un président de la Fed globalement respecté
Reconduit par Joe Biden en 2022 malgré les critiques d’une partie de la gauche démocrate, Jerome Powell incarne aujourd’hui une forme de stabilité au cœur d’une économie mondiale incertaine. Ses décisions influencent la santé des économies émergentes, les flux de capitaux et les politiques monétaires d’autres grandes banques centrales.
Sans dogmatisme, il ajuste son cap en fonction des données économiques. Et s’il reste critiqué pour avoir tardé à reconnaître l’ampleur de l’inflation, sa constance et son sang-froid face aux tempêtes politiques et économiques lui valent une réputation solide, tant à Wall Street qu’à l’étranger.
Un mandat pas encore terminé
A un an de la fin prévue de son second mandat, Jerome Powell reste confronté à des défis majeurs : achever le retour de l’inflation vers 2 %, éviter une récession brutale, surveiller les tensions bancaires et maintenir l’indépendance d’une Fed toujours exposée aux vents politiques.
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Qu’il reste ou non au-delà de 2026, son passage à la tête de la Réserve fédérale aura marqué une époque : celle d’un monde post-Covid, confronté à une inflation mondiale, et où la politique monétaire est redevenue un levier politique brûlant – comme l’a montré, dès le début, son duel avec Donald Trump.