
C’est une habitude coriace. Depuis des décennies, la France a habitué ses administrés à passer chaque semaine pour prélever la poubelle de ceux qui habitent en maison. Une grosse moitié du pays qui avait sa petite routine, sortant sa poubelle à la veille du passage du camion, sans se soucier de savoir si elle était à moitié vide. Cette époque n’est pas encore révolue. Dans de nombreux territoires, la collecte hebdomadaire est restée la norme. Mais pour combien de temps ?
Avec un tri de plus en plus sélectif et surtout l’explosion du coût du traitement de nos déchets, de plus en plus d’agglomérations et de métropoles ont décidé de collecter les poubelles tous les quinze jours, divisant par deux le passage de leurs camions. Moins de gazole, moins d’usure des véhicules, moins de main-d’œuvre et une empreinte environnementale améliorée. Formidable, non ? Pas pour tout le monde. Car dans notre pays réputé peuplé de râleurs, il y a évidemment des mécontents. Le changement est pourtant inéluctable. Et voici pourquoi.
Les biodéchets en porte à porte
Cette réduction de la collecte des ordures ménagères, cela fait plus de dix ans que Lorient Agglomération l’a entamée. Petit à petit, la collectivité du Morbihan a réduit ses tournées dans un seul et unique but : réduire la quantité d’ordures ménagères des 208.000 habitants de son territoire. « Sur le territoire, les déchets qui ne sont pas valorisés vont dans un centre d’enfouissement. Nous avons déjà dû l’agrandir plusieurs fois. Mais une fois qu’il sera plein, on fera quoi ? », interroge Odile Robert, directrice prévention et valorisation des déchets au sein de l’agglomération bretonne.
Pour réduire la fréquence de collecte des ordures ménagères, la collectivité a mis en place une collecte des biodéchets en porte à porte. Une solution qui permet aux habitants de jeter tous leurs restes alimentaires. Y compris les fruits de mer ou les déchets de viande qui peuvent embaumer une poubelle en quelques heures. « Tous les emballages partent dans le tri sélectif. Et avec les biodéchets, il ne reste presque plus rien dans la poubelle », assure Annick Guillet, vice-présidente en charge des déchets. Dans la poubelle bleue des Lorientais (ou noire ou grise), on ne devrait plus trouver que des mégots de cigarette, des sacs d’aspirateur, de la litière animale ou encore des couches pour bébés.
« J’avais peur au début »
Et les résultats sont là. Dans l’agglomération du Morbihan, la quantité d’ordures ménagères a baissé de 17 % et grimpé de 15 % dans le bac à biodéchets. Le pari était pourtant loin d’être gagné d’avance. « Au départ, les usagers étaient complètement paniqués, ils s’inquiétaient. Mais très vite, ils se sont habitués », assure Annick Guillet. Pour vérifier les dires de l’élue bretonne, nous avons interrogé des habitants de Rennes métropole, qui ont dû passer à la collecte tous les quinze jours depuis le mois de février. Non sans quelques couacs. « J’avais peur au début d’avoir trop de déchets et que ma poubelle ne soit pas assez grande pour nous cinq », témoigne Vanessa, qui habite un petit bourg de la métropole rennaise. « Et non, tout va bien, on s’en sort. Faut juste pas oublier de la sortir le dimanche ».
Parmi les témoignages que nous avons pu collecter, cet avis semble largement partagé. Le plus dur, c’est de prendre le pli : « c’est la lose quand tu rates la semaine », commente Aude. Céline, qui a « très peu de déchets » approuve cette idée : « Ça évite de faire des ramassages de poubelles aux trois quarts vides ».
En général, les inquiétudes sont rapidement levées, même si quelques critiques peuvent émerger dans certains secteurs. Précisons d’abord que dans la très grande majorité des cas, seuls les maisons et les petits collectifs sont concernés. « Dans les plus grands immeubles, on a maintenu la collecte hebdomadaire. Comme les gens ne sortent pas leurs poubelles eux-mêmes, on a plus de mal à les inciter au tri », reconnaît Odile Robert. A La Rochelle, où la collecte a été réduite en mars, les collectifs de plus de dix logements « ne sont pas concernés par les nouvelles fréquences ». Tout comme les secteurs touristiques, où la collecte peut être renforcée lors des pics de fréquentation.
Moins de camions, mais pas de baisse d’impôt
En plus d’être vertueuse sur le plan environnemental, cette baisse de la collecte permet aux collectivités d’amortir la facture grandissante du traitement des déchets. De plus en plus sélectif, le tri coûte très cher aux communes, qui cherchent par tous les moyens à réduire leurs dépenses. Et c’est souvent là que les habitants expriment leur mécontentement, faisant part de leur incompréhension.
« Deux fois moins de passage, et la redevance est la même (elle a même augmenté) », s’agace Brice, un habitant de Rennes métropole. « Les habitants ont du mal à comprendre que ça ne donne pas lieu à une réduction de leurs impôts. Je peux le comprendre. Mais ils doivent entendre que si on ne le faisait pas, la taxe augmenterait », martèle Odile Robert. A Lorient Agglomération, les taux n’ont pas augmenté depuis 2018, malgré l’explosion du coût de traitement.