Impact de la réduction des financements sur la lutte contre le VIH en Afrique de l’Ouest
Mise à jour le 2025-11-30 20:37:00 : La baisse des financements américains menace gravement les soins aux personnes vivant avec le VIH en Afrique de l’Ouest.
Réorganisations voire interruptions d’activités de soins, difficultés à assurer la continuité des traitements par antirétroviraux, stress pour les équipes soignantes et les malades… les conséquences de la réduction des fonds alloués à la lutte contre le VIH par l’administration Trump se font déjà sentir. C’est ce que révèle une étude menée au sein de sites de prise en charge d’enfants et d’adultes vivant avec le VIH, répartis dans sept pays d’Afrique de l’Ouest. Nous dévoilons ses résultats en primeur, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre 2025.
Depuis janvier 2025, le gouvernement des États-Unis d’Amérique a changé ses priorités en matière de santé. Cela s’est traduit par une réduction brutale de l’aide internationale fournie par le « Plan présidentiel américain d’aide d’urgence à la lutte contre le sida » (PEPFAR), programme clé du renforcement des systèmes de santé dans la lutte contre le VIH, ainsi que le démantèlement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), qui était le principal bailleur de fonds américain pour l’aide sanitaire à l’échelle mondiale.
L’apport de ces programmes a été largement démontré et a sauvé des vies. En Afrique de l’Ouest, une partie importante des programmes de prise en charge du VIH dépend de ces soutiens.
Une enquête auprès de sites pour adultes et enfants, dans sept pays d’Afrique de l’Ouest
Pour mieux comprendre l’impact direct de ces coupes budgétaires, nous avons mené une étude descriptive détaillant l’organisation administrative, les ressources humaines, la distribution des traitements antirétroviraux, le suivi virologique, et le vécu au quotidien des patientes, des patients et des équipes soignantes de 13 sites cliniques adultes et enfants participant à la collaboration de recherche International Epidemiologic Database to Evaluate AIDS in West Africa. Ces résultats ont été acceptés en communication orale à la 9e édition des Rencontres des études africaines en France.
En 2024, l’Afrique de l’Ouest et du Centre comptait plus de 5 millions de personnes vivant avec le VIH, dont 37 % d’enfants. Face à la dette publique, la région n’a que peu de marge budgétaire pour financer les services de santé et de lutte contre le VIH. Il en résulte une forte dépendance aux financements extérieurs, en particulier au « Plan présidentiel américain d’aide d’urgence à la lutte contre le sida » (PEPFAR) qui contribue à garantir la disponibilité des médicaments antirétroviraux, indispensables à la survie des personnes vivant avec le VIH.
De plus, les ONG et associations locales, majoritairement financées pour leur part par l’agence USAID, ont un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH en apportant un soutien logistique et humain. Pour mieux comprendre les conséquences à court terme de cette nouvelle situation de rupture budgétaire, et comment les équipes soignantes et les malades s’y adaptent, nous avons mené une enquête dans 13 sites cliniques répartis dans sept pays d’Afrique de l’Ouest, avec lesquels nous collaborons depuis vingt ans dans le cadre de nos recherches sur le VIH au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Nigeria et Togo. Ces sites suivent chacun en médiane plus de 3 000 malades adultes et enfants chaque année.
Entre avril et mai 2025, un questionnaire en ligne a été transmis aux responsables de sites. Le questionnaire comportait cinq volets : organisation du partenariat avec les bailleurs, ressources humaines, distribution des médicaments antirétroviraux, suivi de la charge virale, et ressenti des malades et des équipes soignantes vis-à-vis de la prise en charge globale.
Interruptions de soins communautaires, licenciements et autres impacts de la baisse des financements
Au total, 10 des 13 sites contactés ont complété le questionnaire. Parmi eux, cinq étaient directement financés par le plan PEPFAR et les autres par des ONG soutenues par l’agence USAID. La moitié des sites avaient déjà reçu des consignes de leur gouvernement pour adapter leurs activités en mode dégradé, démontrant une capacité de réponse rapide de la part des programmes nationaux de lutte contre le VIH.
Six sites sur dix ont dû suspendre ou supprimer des postes, touchant aussi bien des médecins que du personnel infirmier ou des conseillers techniques. Dans l’un des centres, une réduction de 25 % des primes a été décidée pour éviter des licenciements. Comme ces primes constituent l’essentiel du revenu pour les emplois associatifs, cette mesure a entraîné la démission de quatre médiateurs.
Dans un autre site, toutes les activités communautaires (groupes de soutien, séances d’éducation, conseil, dépistage) ont dû être interrompues entraînant le licenciement des personnes impliquées. Or ces activités jouent un rôle central dans la prise en charge du VIH : elles aident les malades à suivre leur traitement, assurent le suivi et renforcent le lien entre les équipes de soins et les communautés. Leur suspension fragilise l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH.
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À la suite de ces suspensions et licenciements, les sites ont été obligés de revoir leur organisation. Ainsi ils ont mis en place des astreintes pour le personnel fonctionnaire, redéployé le personnel hospitalier, et redistribué les tâches afin d’éviter le surmenage du personnel soignant encore en poste, tout en assurant la continuité des soins VIH. En conséquence, s’ajoutent à la suspension des activités communautaires, des temps d’attente en salle de consultation rallongés, avec un impact direct sur la qualité globale de la prise en charge des patients.
La continuité du traitement à vie par antirétroviraux mise à mal
Dans huit des dix sites, tous les antirétroviraux restaient disponibles mais n’étaient plus délivrés pour une durée de six mois selon le calendrier habituel, mais seulement pour des périodes allant d’un à trois mois, ce qui a augmenté la fréquence des visites et la charge de travail pour les équipes comme pour les patientes et patients. Dans deux autres sites, des ruptures de stock déjà présentes avant les coupes budgétaires, persistaient et concernaient plusieurs antirétroviraux utilisés chez l’adulte.
Dans un centre, une situation particulièrement préoccupante et non éthique a été signalée : comme les contrats nationaux avec le plan PEPFAR imposent de garantir la continuité des soins à vie pour les personnes déjà sous traitement antirétroviral, les équipes ont eu pour instruction de prioriser ces malades en raison du risque de pénurie, et de ne pas commencer le traitement antirétroviral chez les adultes nouvellement diagnostiqués comme infectés par le VIH, contrairement aux recommandations universelles qui préconisent de tester et de traiter.
Cinq sites ont indiqué qu’il leur manquait des réactifs indispensables pour faire les tests de charge virale. Plusieurs sites ont reprogrammé les mesures de charge virale, alors que d’autres ont dû les faire réaliser par d’autres plateformes. Or, le suivi de la charge virale est un indicateur clé de la prise en charge du VIH : il permet de vérifier l’efficacité du traitement, de détecter les échecs thérapeutiques et de réduire le risque de transmission. Ces interruptions ou retards ont fragilisé le suivi clinique des patients les exposant à un risque accru de complications.
Trois sites ont rapporté une augmentation des interruptions de traitement ou des abandons de la part des patientes ou patients alors que deux sites n’ont pas constaté d’impact notable au moment de l’enquête.
Augmentation du stress et baisse de la satisfaction professionnelle
Ailleurs, les cliniciens ont observé une montée de l’anxiété des malades, liée à l’incertitude sur la disponibilité future des médicaments, de la frustration face aux examens retardés ou impossibles à réaliser, et la crainte que le traitement devienne moins efficace. Certains malades s’inquiètent de « ce qu’il adviendra si les financements américains s’arrêtent complètement ».
Dans les sites pédiatriques, les équipes rapportent un stress accru chez les enfants, lié notamment à l’arrêt de certaines activités récréatives qui jouaient un rôle important dans leur accompagnement.
Six sites sur dix rapportent un impact direct sur leurs équipes soignantes, avec un sentiment d’impuissance face aux restrictions, une baisse de la satisfaction professionnelle, et une augmentation du stress, notamment face à l’agressivité des malades dans ce contexte d’incertitude.
Et se profile un désengagement des pays donateurs au Fonds mondial de lutte contre le sida
Ces mesures documentent l’impact à court terme des réductions de financement dans un contexte géopolitique évolutif, et montrent que la dépendance aux financements extérieurs fragilise la continuité des soins.
D’autres pays, dont la France, ont déjà annoncé qu’ils allaient diminuer leur aide internationale, réduisant ainsi leurs engagements au profit du Fonds mondial de lutte contre le VIH.
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Les conséquences à long terme pour les personnes vivant avec le VIH sont malheureusement déjà prévisibles, mais nous devrons les documenter en tenant compte de la résilience des systèmes de santé face à un tel événement.
Ce qu’il faut savoir
- Le fait : La réduction des financements américains impacte gravement les soins VIH en Afrique de l’Ouest.
- Qui est concerné : Les personnes vivant avec le VIH, les équipes soignantes, et les ONG locales.
- Quand : Depuis janvier 2025.
- Où : Sept pays d’Afrique de l’Ouest.
Chiffres clés
- 5 millions de personnes vivant avec le VIH en Afrique de l’Ouest en 2024.
- 37 % des personnes vivant avec le VIH sont des enfants.
Concrètement, pour vous
- Ce qui change : Moins de disponibilité des traitements antirétroviraux.
- Démarches utiles : Suivre les annonces des ONG et des gouvernements.
- Risques si vous n’agissez pas : Accès limité aux soins et aux traitements.
Contexte
La réduction des financements par le PEPFAR et l’USAID a des conséquences directes sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. La dépendance aux financements extérieurs fragilise les systèmes de santé locaux.
Ce qui reste à préciser
- Les effets à long terme de ces réductions de financement.
- La capacité des systèmes de santé à s’adapter à cette crise.
Citation
« Les conséquences de la réduction des fonds alloués à la lutte contre le VIH se font déjà sentir. » — Étude sur la prise en charge du VIH, 2025.
Sources

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Date : 2025-11-30 20:37:00 — Site : theconversation.com
Auteur : Cédric Balcon-Hermand — Biographie & projets
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Publié le : 2025-11-30 20:37:00 — Slug : en-afrique-de-louest-les-services-de-prise-en-charge-du-vih-sous-pression-apres-la-baisse-des-financements-etats-uniens
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