Hydrogène : à Lyon, les acteurs regrettent un manque d’ambition sur les mobilités

Faire d’Auvergne-Rhône-Alpes, la première région « hydrogène » de France, voire d’Europe : c’est l’ambition que porte l’exécutif régional depuis plusieurs années à travers, notamment, le lancement du projet « Zero Emission Valley », en partenariat avec Engie et Michelin.

Un programme qui vise à faire émerger une filière de la mobilité hydrogène dans la Région et à déployer cet usage, via l’installation de stations de recharge et de flottes de véhicules fonctionnant grâce à la molécule. Il faut dire que le terrain est plutôt propice, la région comptabilisant, en 2022, près de 150 sociétés travaillant à divers stades, de la transformation à la production d’hydrogène en passant par son stockage. Parmi lesquelles on, trouve : Atawey, HRS, Symbio, GCK, Absolut Hydrogen, Elyse Energy, Lhyfe, Storengy, McPhy…

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Autant d’acteurs qui attendaient de pied ferme la révision de la stratégie hydrogène du gouvernement, et surtout la confirmation de son soutien. Globalement, ce plan est bien accueilli même si quelques déceptions se font entendre.

Eric Boudot, président du groupe GCK, qui développe des cars retrofités, estime que cette révision reflète les contraintes budgétaires de l’État. « On se focalise sur ce qui est prêt immédiatement et on laisse un espoir pour ce qui pourrait l’être demain », regrette-t-il.

Mobilité : un soutien plus fort attendu

Un clin d’œil au volet mobilité lourde, présentée, selon lui comme « une niche » quand d’autres pays capitalisent davantage sur son potentiel, évoquant la Chine. Mais aussi quelques régions « pionnières » en France, dont Auvergne-Rhône-Alpes, partie prenante de la société Hympulsion, qui développe l’offre de mobilité sur le territoire, et s’est engagée en 2024 à acquérir 50 cars rétrofités.

« Les mots auraient pu être plus forts sur le fait qu’il faut travailler de façon plus profonde la baisse du coût de la molécule à la pompe de distribution et le maillage territorial de stations accompagnant la mobilité lourde », poursuit Eric Boudot. Un argument qui permettrait davantage d’encourager la consommation et la production, que des subventions à l’achat de véhicule selon lui.

Jean-Michel Amaré, président et co-fondateur d’Atawey, qui fabrique des stations de recharge hydrogène, critique aussi un manque de soutien à la mobilité.

« L’axe qui a été pris est un axe très orienté sur les volumes de production d’hydrogène et pas forcément sur les enjeux de souveraineté industrielle associé aux technologies », avance-t-il. Et plaide : « Les investissements lourds réalisés par les acteurs de la mobilité doivent être encouragés et poursuivis ».

Et c’est bien tout l’enjeu : financer cette filière en amorçage, que ce soit via des subventions, des appels à projets ou par des mécanismes qui ne nécessitent pas de débloquer des fonds étatiques.

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Les deux directeurs rappellent également qu’un mix énergétique est la clé de la transition, l’électricité possédant ses limites. « Il est illusoire de croire que la batterie va tout résoudre, certains usages ne peuvent pas être adressés par la batterie », insiste Jean-Marc Amaré.

Eric Boudot pointe, lui, un enjeu de souveraineté. Tout miser sur la batterie électrique reviendrait à « s’enlever la capacité de réaction d’un point de vue géopolitique et de souveraineté demain » et tendrait à conserver notre dépendance vis-à-vis des cellules lithium importées. Sans compter l’adaptation du réseau électrique que nécessiterait un passage de l’ensemble de la mobilité au tout électrique.

A l’inverse, Symbio, qui développe des batteries utilisant une pile à combustible faisant appel à de l’hydrogène, se réjouit à l’annonce d’un nouvel appel à projets pour le déploiement de véhicules utilitaires légers (VUL) à hydrogène à compter de 2025. « Cette aide à l’achat constitue un levier important pour contribuer au développement de technologies de pointe qui garantiront la souveraineté de notre industrie automobile », réagit Philippe Rosier, son CEO, par voie de communiqué.

Un besoin d’objectifs précis pour le stockage

Après la production, le développement des infrastructures – de transport ou de stockage- constitue un autre enjeu majeur.

« La stratégie nationale souligne de manière claire le rôle central des infrastructures hydrogène, particulièrement le stockage. Ce, via la référence des besoins de flexibilité nécessaires à l’alimentation en continue bas-carbone des hubs à hydrogène situés dans les principales zones industrielles françaises », détaille Alain Caracatzanis, directeur général de Storengy SAS.

Un enjeu qui touche directement la région AURA qui possède déjà plusieurs actifs de stockage en cavité saline, confirme-t-il, dont l’un, situé dans l’Ain fait l’objet d’expérimentations menées par Storengy.

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Si l’heure est encore aux essais, la filiale d’Engie cherche déjà à évaluer les besoins pour mieux déployer son plan d’investissement. Un appel à manifestation lancée fin 2024 souligne 27 projets de production et utilisation sur l’axe reliant le sud au nord est de la France. Une trajectoire qui correspond au projet de pipeline de transport hydrogène, HyFen, en cours d’élaboration par NaTran.

Alain Caracatzanis émet néanmoins un regret : « La stratégie n’est pas explicite. Il n’y a pas d’objectifs chiffrés concernant le développement des infrastructures alors qu’elles vont jouer un rôle clé dans le développement de la filière »Le plan renverrait ainsi à 2026 pour déterminer les réseaux hydrogène, la capacité et l’emplacement des réseaux de stockage.

« C’est important de ne pas tarder plus et de ne pas aller au-delà de 2026 car le développement des infrastructures prend du temps et il faut avoir une vision claire pour prendre les décisions d’investissement. »

Un impératif qui se couple à un besoin de clarifier plusieurs points réglementaires, affirme le directeur général, toujours dans cette optique de visibilité alors que l’incertitude règne aujourd’hui dans bien des domaines de l’économie.