Guerre en Ukraine : pas de cessez-le-feu en vue pour Pâques – Euractiv FR

Cet article a été mis à jour avec les propos du secrétaire d’État américain Marco Rubio à Paris.

BRUXELLES – Cette année encore, les Ukrainiens se préparent à passer le week-end de Pâques dans un pays en guerre, alors que la date butoir annoncée par le président américain Donald Trump pour parvenir à un accord de paix approche et que les signes d’une nouvelle offensive russe se multiplient.

Au début de son mandat présidentiel, Donald Trump avait déclaré qu’il parviendrait à un cessez-le-feu en Ukraine pour le 20 avril. Mais, à quelques jours de cette date, la promesse semble impossible à tenir.

« Nous savons à quoi se prépare la Russie », déclarait jeudi 17 avril le président ukrainien Volodymyr Zelensky. « Avant et après Pâques, de nouvelles attaques russes sont possibles. »

Il y a un mois pourtant, certains nourrissaient un espoir prudent : celui de voir enfin émerger un cessez-le-feu, après plus de trois années de guerre.

Cependant, si les Ukrainiens se sont montrés favorables à la proposition américaine de cessez-le-feu inconditionnel, les Russes ont quant à eux évité de donner une réponse définitive et n’ont montré aucun engagement en faveur de l’arrêt des combats pendant 30 jours.

Nouveau format, mêmes interrogations

Dans le cadre d’une série de réunions qui se sont tenues à Paris entre Américains, Européens et Ukrainiens, le président français Emmanuel Macron a reçu jeudi le secrétaire d’État américain Marco Rubio et l’envoyé spécial de Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff.

Ces rencontres marquent un tournant dans l’approche américaine, Washinton s’étant longtemps montrée réticente à inclure les Européens dans les négociations sur un cessez-le-feu en Ukraine. En effet, cette fois, de hauts responsables français, allemands et britanniques étaient  présents à la table des négociations aux côtés des Ukrainiens et des Américains.

Un nouveau format semble être né, puisqu’une nouvelle réunion des émissaires de ces mêmes pays aura lieu la semaine prochaine à Londres.

« Nous avons déclenché aujourd’hui à Paris un processus qui est positif et auquel les Européens sont associés », s’est réjoui un responsable de l’Élysée après les discussions.

Selon lui, Washington « comprend l’intérêt de travailler avec les Européens dans le cadre du format E3 [c’est-à-dire la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, NDLR] , car ils comprennent que c’est là que le travail [sera] fait sur les garanties de sécurité ».

Mais force est de constater que, jusqu’à présent, les différents sommets entre les alliés occidentaux de l’Ukraine visant à renforcer les capacités militaires de Kiev et à trouver un moyen de garantir un cessez-le-feu durable n’ont donné que peu de résultats concrets.

Récemment, la France et le Royaume-Uni ont annoncé qu’ils comptaient accélérer la planification opérationnelle de la « force de réassurance » européenne qui serait déployée en Ukraine en cas de trêve. Toutefois, des divergences entravent les discussions.

Selon des sources proches du dossier, Paris serait favorable à l’envoi de troupes au sol, tandis que Londres préfèrerait fournir des moyens aériens et navals pour maintenir la paix. L’Ukraine fait quant à elle pression pour que des négociations soient ouvertes sur la création d’une zone d’exclusion aérienne qui s’étendrait de sa frontière avec la Biélorussie jusqu’à la mer Noire.

Alors que les diplomates européens reconnaissent que les progrès sur les garanties de sécurité post-cessez-le-feu sont trop lents, le principal problème pour beaucoup reste le manque de soutien de Washington à une garantie de sécurité américaine.

« Les États-Unis sont prêts à discuter de garanties de sécurité, dont la nature et la forme dépendront des discussions qui auront lieu », a indiqué le responsable de l’Élysée à l’issue des discussions de jeudi.

Diplomatie

On ignore encore quand et comment les négociations entre les États-Unis et la Russie pour un cessez-le-feu reprendront, aucune date n’ayant été fixée pour le prochain cycle de discussions.

Donald Trump a affirmé en début de semaine qu’il ferait « très prochainement de très bonnes propositions » pour mettre fin à la guerre en Ukraine, sans toutefois fournir de détails ni de calendrier. Steve Witkoff ne s’est pas montré beaucoup plus précis à ce sujet.

La demande de la Russie visant à garantir « une paix permanente » se concentrerait sur « cinq territoires » — la Crimée, Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson —  qui ont été (partiellement) occupés par les forces militaires, a-t-il expliqué sur Fox News.

La Russie a également déjà lié un accord de cessez-le-feu à la levée des sanctions et à la suspension des livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine.

Steve Witkoff a également affirmé que les deux parties étaient « à deux doigts de quelque chose qui serait très, très important pour le monde entier », sans toutefois donner plus de détails.

Mais celui qui aspire à jouer le rôle de médiateur dans le conflit ukraino-russe peine à gagner la confiance de Kiev.

« Il s’agit là de lignes rouges pour nous : reconnaître comme russes des territoires temporairement occupés. Le représentant de Donald Trump, Steve Witkoff, s’exprime sur des questions qui ne relèvent pas de sa compétence », a réagi Volodymyr Zelensky, rejetant ainsi la proposition.

À ce jour, aucune des demandes de Moscou n’a été bien accueillie par les alliés européens de l’Ukraine. Parallèlement à cela, l’inquiétude grandit dans les capitales européennes face à la tendance du président américain Donald Trump à utiliser la rhétorique du Kremlin, notamment sur les origines du conflit.

Et le manque de transparence sur la teneur des discussions entre les équipes de négociation américaine et russe ne les rassure pas non plus. Les diplomates européens s’interrogent de plus en plus sur l’objet réel des pourparlers : une trêve en Ukraine ou une normalisation des relations entre les États-Unis et la Russie ?

« Nous pourrions assister à une tentative de la part de la Russie de normaliser les relations […] sans résoudre la question du cessez-le-feu et de la paix en Ukraine », analyse Nico Lange, chercheur non résident au Centre for European Policy Analysis (CEPA).

« Cela pourrait contribuer à creuser le fossé transatlantique », note le chercheur.

Une dangereuse lassitude

« Le grand danger est que nous nous concentrons sur le processus de négociation [pour un cessez-le-feu], alors qu’en réalité, il n’y en a peut-être pas du tout, et que la Russie poursuit la guerre », avertit Nico Lange.

Des images satellites montrent que la Russie renforce ses capacités militaires, probablement en vue d’une nouvelle offensive qui se déroulerait entre juin et novembre, souligne-t-il.

Il serait « destructeur que tout le monde oublie que nous devons soutenir l’Ukraine dans son effort de guerre », estime-il.

Ces dernières semaines, les plus fervents partisans de l’Ukraine ont exprimé leur inquiétude quant au fait que certains pays pourraient être tentés d’attendre l’issue des négociations sur un cessez-le-feu avant de s’engager à fournir davantage d’aide militaire à Kiev.

Les États membres de l’Union européenne se sont quant à eux engagés à fournir au pays 2 millions de munitions de gros calibre cette année. Mais les progrès sur l’initiative plus large de la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, en faveur d’une aide militaire à long terme sont au point mort.

Dans le même temps, l’Europe dispose d’une marge de manœuvre importante pour renforcer les sanctions contre la Russie. Un 17e paquet de sanctions est en préparation et Kaja Kallas a déclaré qu’il pourrait être adopté d’ici le 20 mai, à condition qu’il ne soit pas bloqué par un veto hongrois.

« La clé pour aller de l’avant sera la manière dont les Européens décideront si la sécurité de l’Ukraine et la sécurité européenne sont une seule et même chose ou deux questions distinctes », résume Nico Lange.

Pour des pays comme l’Estonie, le Danemark et la République tchèque, qui perçoivent directement la menace russe, la réponse est évidente : la sécurité de l’Ukraine est indissociable de celle de l’Europe. La position de l’Allemagne, avec son nouveau gouvernement, pourrait s’avérer décisive dans l’orientation collective de l’UE.

Vers un désintérêt américain ?

Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a évoqué vendredi 18 avril la possibilité d’une sortie américaine des négociations en vue de mettre fin aux hostilités en Ukraine.

Alors qu’il quittait Paris, il a affirmé que les États-Unis devaient « déterminer dans les prochains jours si [la paix] est faisable ou non ». « Si ce n’est pas possible […] alors je pense que le président arrivera probablement à un point où il dira : ‘Bon, c’est fini’ », a-t-il poursuivi. « Les États-Unis ont d’autres priorités. »

Il a tout de même reconnu l’intérêt du nouveau format de discussion avec les pays européens, déclarant que « le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne peuvent nous aider, faire avancer les choses et nous rapprocher d’une résolution ».

*Aurélie Pugnet a contribué à la rédaction de cet article.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]



Aller à la source