3 ans de sanctions, de réunions, de blocages et de négociations. Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie est ciblée par les capitales occidentales. Mais depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, ce bloc est fragilisé par la volonté du président américain de négocier un accord de paix coûte que coûte.
À la fin de mars dernier, Ukraine, États-Unis et Russie sortaient d’un round de négociation à Riyad avec une trêve des hostilités en Mer noire, à condition que Moscou soit reconnecté au réseau de paiement Swift. Depuis, les relations entre Donald Trump et son homologue Vladimir Poutine se sont détériorées et les promesses de levée des sanctions semblent s’envoler. Lundi, Emmanuel Macron a même promis que «d’accroître la pression sur la Russie » dans les 8 à 10 jours prochains, estimant avoir « convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions » contre Moscou.
Des solutions limitées
Jusqu’à maintenant, l’essentiel des sanctions concernait des restrictions à l’importation et exportation de produits russes. Embargo sur l’or, les diamants, le charbon, interdiction de ventes d’armes, de biens à double usage etc. Pour Kevin Lefebvre, économiste au CEPII, les leviers restants sont « désormais assez limités. Les sanctions commerciales sont déjà très puissantes. Le maximum de ce qui peut être fait est certainement atteint. » Dans une récente étude, il explique comment les sanctions, malgré les nombreux contournements, frappent déjà la Russie. En s’approvisionnant ailleurs qu’en Europe, Moscou paie notamment plus cher. « Entre le premier et le deuxième trimestre de 2022, l’indice des prix des importations russes a bondi de 15,7 %, rompant une longue période de croissance modérée », explique l’étude.
Si le maximum a été fait côté commercial, d’autres leviers existent.
« Les décisions en la matière se font à l’échelle de l’Union européenne donc en coalition »,rappelle Kevin Lefebvre.
L’Union européenne doit justement présenter le 6 mai prochain sa feuille de route afin de sortir de la dépendance aux importations énergétiques russes. Elle pourrait annoncer des mesures fortes contre le gaz russe, jusqu’ici exempt de toute sanction et représentant toujours 19 % des importations européennes en 2024. Malgré l’adoption d’un texte permettant à chaque État d’interdire le gaz naturel liquéfié russe dans ses ports, aucun grand importateur n’a activé le dispositif. En pleine guerre commerciale avec les États-Unis, les pays européens cherchent le bon dosage entre gaz russe et américain.
Les yeux rivés vers la Belgique
« Il faut voir du côté de la finance et des avoirs russes pour trouver de nouveaux leviers de sanctions fortes », estime Kévin Lefebvre. Dans ce secteur, la Belgique a toutes les cartes en main avec sur son territoire deux entreprises clés : Euroclear et SWIFT. La première gère la livraison et le règlement de titres boursiers et détient grâce à cela les quelque 200 milliards d’euros d’avoirs russes gelés depuis 2022. Si les pays européens se sont entendus pour utiliser les intérêts de ces avoirs, aucun consensus n’a émergé afin de les saisir entièrement. « Il faut dire qu’il n’y a même pas de consensus chez les juristes sur le sujet. On ne sait pas vraiment si c’est légal. » Début mars, alors que le débat faisait rage autour de la saisie des avoirs, le ministre de l’économie Éric Lombard s’y est montré défavorable.
«Ça ne peut pasêtre des avoirs qui seraient capturés»,car ce«serait contraire aux accords internationaux auxquels la France et l’Europe ont souscrit»a abondé le ministre.
Au même moment, le journal Le Monde révélait que les tensions autour d’Euroclear avaient obligé la PDG de la société, Valérie Urbain, et sept autres membres du comité exécutif, à vivre sous protection.
Une seconde société belge fait l’objet d’enjeux géopolitiques. SWIFT, pour Society for Worlwide Interbank Financial Telecommunication, est un réseau permettant aux différents acteurs bancaires et boursiers de communiquer et d’initier des paiements entre pays aux devises différentes. En 2022, sous la pression de l’Union européenne et des États-Unis, le réseau SWIFT est déconnecté des grandes banques russes.