Gestion des déchets électroménagers : le réseau Envie dans la tourmente

Lave-linge, téléviseurs, réfrigérateurs… Envie, acteur historique de l’économie sociale et solidaire, les remet en état depuis 1984. Mais ce réseau de 53 entreprises d’insertion, spécialisées dans la collecte, tri, réparation et revente d’appareils électriques et électroniques en fin de vie, a annoncé jeudi 17 avril que 1 000 de ses emplois « pourraient disparaître à court terme », soit plus du quart des effectifs (3 800 salariés).

En cause : la perte de cinq appels d’offres dans les régions de Rennes, Nantes, Angers, Niort et Mulhouse, où le contrat d’Envie pour transporter les déchets électriques et électroniques prend fin le 5 mai. L’accès à ce gisement est vital pour alimenter les centres de collecte et de tri du réseau, numéro un du réemploi en France avec plus de 150 000 appareils remis à neuf en 2023. Envie pourrait également suspendre son activité dans quatre autres zones, où aucun opérateur n’a pour l’instant été choisi.

Incompréhension chez Envie

De quoi susciter l’incompréhension de ses dirigeants, qui mettent en avant leur savoir-faire. « Dans l’Ouest, par exemple, quasiment tous les flux de ce type de déchets vont dans des usines de recyclage, qui transforment la matière pour la fabrication d’un autre produit, explique Jean-Paul Raillard, président de la fédération Envie. Nous, au contraire, nous arrivons à récupérer 5 % des produits jetés pour les reconditionner. Pas besoin, donc, d’acheter du neuf. »

Envie défend son modèle jugé plus « préservant » que celui de ses concurrents. « Dans une benne traditionnelle, ils empilent les frigos les uns sur les autres. Ce qui fait qu’ils arrivent en mauvais état dans les centres de tri, affirme Jean-Paul Raillard. De notre côté, nous les chargeons avec précaution dans un camion, sans les empiler. »

Un argumentaire qui n’a pas convaincu Ecosystem, l’un des organismes à but non lucratif chargés d’organiser la collecte en désignant les transporteurs dans chaque territoire. Depuis une directive européenne de 2002, les producteurs d’objets électriques et électroniques (Siemens, Faure, Bosch, Samsung…) sont responsables de ce qu’il advient de leurs appareils après utilisation.

Ils peuvent donc adhérer à un éco-organisme agréé par l’État comme Ecosystem, dont ils assurent collectivement la gouvernance, pour gérer ces gisements toujours plus volumineux de déchets. Ces éco-organismes doivent veiller à ce que le taux de réemploi des déchets électroniques et électriques atteigne 2 %, un objectif encore loin d’être atteint en France (autour de 1 % en 2022).

Des critères d’attribution en question

« C’est la loi qui fixe les critères sur lesquels nous évaluons les transporteurs de déchets. Nous apprécions les réponses des candidats sans faire de distinction, que ce soit Envie ou un autre », se défend Nathalie Yserd, directrice générale d’Ecosystem, qui tient à rappeler que 21 des 79 appels d’offres récemment attribués ont tout de même été remportés par Envie. Sachant que 60 % de la note attribuée aux candidats repose sur des critères tarifaires.

C’est là que le bât blesse pour Envie, qui a déjà dû fermer son atelier de Saint-Nazaire il y a trois ans après la perte d’un appel d’offres : le réseau estime que ses tarifs plus élevés devraient être davantage contrebalancés dans la notation par ses efforts de réemploi et son engagement social, intact depuis 1984, avec 75 % de salariés en réinsertion.

Faut-il revoir les critères ? Des discussions sont en cours à ce sujet entre Envie et le cabinet de la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.

Une concurrence accrue

Pas certain que cela suffise. Car au-delà du cahier des charges imposé par l’État, les éco-organismes peuvent être tentés de limiter l’augmentation des coûts de traitement des déchets. Et donc choisir en priorité les opérateurs les moins chers.

« C’est une contradiction : d’un côté, ils doivent minimiser les coûts pour leurs adhérents, et de l’autre, ce sont des entreprises à mission qui ont pour obligation légale de favoriser le réemploi et l’insertion », analyse Helen Micheaux, maîtresse de conférences en gestion de l’environnement à AgroParisTech. Un conflit d’intérêts dénoncé dans un rapport interministériel sur la gestion des filières de déchets publié en juin dernier.

Pas facile, dans ce contexte, pour les acteurs de l’économie social et solidaire (ESS) comme Envie de résister à l’arrivée de nouveaux concurrents, attirés par un marché du déchet en plein boom et capables d’afficher des tarifs plus attractifs. « La plupart des acteurs de l’ESS, qui étaient présents bien avant que la filière se structure à partir des années 2000, sont en difficulté financière, poursuit Helen Micheaux. Sur le gisement déchets, la compétition s’accroît car chacun voit le fort potentiel de gain économique» Même si, note Nathalie Ysard, la majorité des appels d’offres d’Ecosystem ont encore cette année été remportés par des structures de l’ESS.

Auteur : Christian Mouly

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