Fonderies du Poitou : des énergies vertes à la place des moteurs thermiques

Portées par 40 ans d’activités industrielles et employant jusqu’à 1 800 ouvriers au début des années 2000, les Fonderies du Poitou ont largement contribué à façonner l’identité industrielle du Grand Châtellerault. Un territoire où 40 % de l’emploi dépend encore de l’industrie contre 13 % en moyenne en France. Mais, ici comme ailleurs, la désindustrialisation a eu raison de ce sous-traitant automobile qui produisait depuis 1981 des carters en fonte et des culasses en alu pour Renault, son unique client.

Les Fonderies du Poitou ont finalement fermé leurs portes en 2021 et 2022, laissant 600 fondeurs sur le carreau et une friche industrielle de 45 hectares.

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Une centrale solaire dès 2027

Mais le site n’aura pas eu le temps de vieillir puisqu’il a été repris dès l’été 2023 à la barre du tribunal de commerce par un groupement composé du développeur solaire TSE et du producteur d’hydrogène Lhyfe. Fortement soutenu par le Grand Châtellerault, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’Etat, l’attelage combine trois briques indépendantes : une centrale photovoltaïque au sol, une plateforme logistique et un électrolyseur pour produire du carburant de synthèse à partir d’hydrogène vert.

Et là encore le calendrier se déroule rapidement : l’acte de vente a été signé au printemps 2024 et TSE a déposé son permis de construire début avril 2025. Deux centrales solaires doivent être mises en service au second semestre 2027 sur le terrain des Fonderies (28 mégawatts) et sur le site voisin d’enfouissement des déchets de l’ancienne usine. Au total, il est question de produire 73 mégawattheures (MWh), soit l’équivalent de la consommation de 140 000 habitants.

Perspective du site à l’horizon 2027 quand la centrale solaire et la plateforme logistique auront remplacé les fonderies (crédits : TSE).

La démolition de la quasi-totalité des édifices des ex-Fonderies a débuté. Et ce n’est pas une mince affaire puisqu’on parle de près de 40 000 m2 de bâtiments industriels jusqu’à 30 mètres de hauteur et de charpentes métalliques totalisant 4 200 tonnes d’acier à déconstruire. Pourtant, l’entreprise Cardem qui est à la manœuvre s’est engagée à terminer le chantier fin 2025 tout en préservant la dalle en béton pour accueillir les panneaux photovoltaïques. « On nous parle beaucoup de la démolition mais finalement le coût n’est pas déterminant au regard de la totalité de l’investissement et nous ne perdrons pas de temps puisqu’elle s’effectuera pendant l’instruction du permis de construire », remarque Pierre-Yves Lambert, le directeur général de TSE. Un investissement qui tourne autour de 25 millions d’euros.

Car le véritable atout du site des Fonderies du Poitou c’est son raccordement existant au réseau électrique. « Il y aura quelques travaux à financer sur le poste source mais la ligne est là et ça nous fera gagner beaucoup du temps alors même que les délais de raccordement sont actuellement très longs compte tenu de l’embouteillage de projets à raccorder », souligne le dirigeant. Sans même compter les coûts de raccordement qui dépassent désormais les 100.000 euros du kilomètre.

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La logistique suit la cadence, l’hydrogène patine

Pour équilibrer le projet, une parcelle de 5 hectares, dont les actuels parkings, sera cédée par TSE à MAB. Cette foncière clermontoise y construira une plateforme logistique de 21 000 m2 à l’horizon 2027. Le site n’est en effet qu’à quelques kilomètres de l’autoroute A10 qui relie Paris à Bordeaux.

Du côté de l’autre acquéreur des ex-Fonderies, le calendrier est moins fluide, entravé par les atermoiements du marché de l’hydrogène. Lhyfe envisage toujours d’y implanter un électrolyseur capable de produire 100 MW d’hydrogène vert pour fabriquer du carburant de synthèse aérien ou maritime en partenariat avec un énergéticien. Mais « le projet a pris plus de temps que prévu dans l’attente de la présentation de la stratégie nationale sur l’hydrogène », indique Laure De Vriend, la cheffe de projet chez Lhyfe.

Les études de faisabilité ont été menées et le projet est toujours éligible aux financements publics en tant que Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC en français, IPCEI en anglais), qui, en jargon bruxellois, désigne des subventions aux industries émergentes de rupture permettant la sortie des énergies fossiles. Maintenant que la stratégie hydrogène a enfin été dévoilée ce 16 avril, avec une production d’hydrogène « vert » ramenée à un plafond de 4,5 gigawatts (GW) installés en 2030, contre 6,5 GW initialement, le projet devrait pouvoir repartir de l’avant.

« Ce document nous permet enfin de pouvoir dimensionner notre projet en fonction de la stratégie globale sur l’hydrogène vert et ses usages industriels », indique-t-on chez Lhyfe qui évoque une mise en service à l’horizon 2029. Les deux projets de TSE et Lhyfe sont développés de manière indépendante puisque l’énergie solaire sera injectée sur le réseau mais des discussions sur un éventuel PPA (power purchase agreement, contrant liant directement un producteur et un acheteur d’électricité, NDLR) sont d’ores et déjà dans les tuyaux.

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Du côté de l’emploi, cette nouvelle page ne s’annonce pas aussi faste pour le territoire que les grandes années des Fonderies et le volume sera même divisé par deux par rapport aux 600 salariés qui y travaillaient encore en 2020. Mis bout à bout, les trois activités promettent seulement entre 250 et 300 emplois directs à terme. Un lieu de mémoire industrielle de l’histoire des fondeurs sera néanmoins créé sur place.