Donald Trump peut-il vraiment limoger Jerome Powell ? Le président américain a assuré jeudi qu’il pouvait forcer au départ le chef de la Réserve fédérale américaine (Fed). « Il partira si je lui demande, il sera parti », a dit Trump à des journalistes dans le Bureau ovale, à côté de la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni. « Je ne suis pas content de lui. Je lui ai fait savoir et si je veux qu’il parte, il partira vite fait, croyez-moi ».
« Il est plus que temps que le mandat de Powell se termine », a écrit Donald Trump sur sa plateforme Truth Social plus tôt dans la journée, alors que le second mandat du président de la Fed doit s’achever en mai 2026.
Ce dernier aurait « dû baisser les taux d’intérêt depuis longtemps déjà, comme la BCE », la Banque centrale européenne, a ajouté le président américain, en encourageant Jerome Powell à « le faire maintenant ». Les responsables de la BCE, qui se réunissent toutes les six semaines, viennent en effet de s’accorder sur une baisse de 0,25 point des taux directeurs pour renforcer l’économie de la zone euro.
Prouver que Powell a commis une faute grave
Toutefois, il semble impossible pour Donald Trump de prendre la décision de renvoyer le patron de la Fed. Le président américain n’a pas le pouvoir de le limoger directement. Pour tenter de destituer Jerome Powell, Donald Trump devrait entamer une longue procédure et prouver que ce dernier a commis une faute grave.
« La loi est assez floue sur ce sujet. En effet, le Federal Reserve Act spécifie qu’un président peut révoquer un gouverneur (ce qui pourrait inclure le président de la Fed) pour une « cause » et non pour des différends politiques », expliquait en novembre John Plassard, économiste chez la banque Mirabaud, dans une tribune pour Les affaires.
« L’interprétation de « for cause » est sujette à de multiples interprétations », ajoutait-il, précisant que, « selon les derniers rapports d’experts », cette notion sous-entendrait « des malversations dans l’exercice de ses fonctions, la divulgation non autorisée de renseignements confidentiels, un comportement personnel inapproprié (harcèlement sexuel par exemple) ou l’omission de s’acquitter des fonctions de son poste ».
Pour rappel, Jerome Powell avait été choisi en 2012 par l’ancien président démocrate Barack Obama pour entrer au Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale… Avant d’être promu président en 2017 par Donald Trump, lui-même. Mais depuis, les relations entre les deux hommes se sont tendues. Lors de son premier mandat déjà, Donald Trump avait, en effet, rompu avec l’usage et commenté les décisions de l’institution.
Donald Trump veut continuer à essayer d’influencer la Fed
En décembre dernier, Donald Trump avait répondu par la négative quant à sa volonté de renvoyer Jerome Powell, reconduit à la tête de la Fed en 2021 par Joe Biden : « Non, je ne pense pas. Je ne le vois pas », avait déclaré le milliardaire au micro de NBC.
Déjà interrogé en octobre à l’Economic Club of Chicago pour savoir s’il le maintiendrait pour un nouveau mandat, il n’avait pas répondu directement à la question, mais avait clairement indiqué qu’il continuerait à essayer d’influencer la Fed, qui prend ses décisions indépendamment de la Maison-Blanche. « Je ne pense pas que je devrais être autorisé à l’ordonner, mais je pense que j’ai le droit de faire des commentaires sur la hausse ou la baisse des taux d’intérêt », avait déclaré le candidat républicain.
En réponse, Jerome Powell avait affirmé en novembre que les décisions de la Fed « ne peuvent être renversées par aucune autre partie du gouvernement hormis le Congrès », avant de déclarer qu’il ne démissionnerait pas, si le nouveau président lui demandait. Quelques jours avant, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion de la Fed, il avait sèchement répondu « non » à une journaliste qui lui demandait s’il envisageait de démissionner. Et avait rappelé que le forcer à partir était « interdit par la loi ».
Marius Bocquet et Maxime Heuzé