
Saint-Jean-du-Gard (Gard), reportage
« Bienvenue à Massif attaque ! » À l’entrée, deux membres du Syndicat des gardien⋅nes de troupeaux (SGT–CGT) assurent l’accueil. Près d’elles, un drapeau avec un poing serré sur la canne de berger traditionnelle armée du crochet pour attraper les animaux, et l’inscription « SGT–CGT, berger⋅es, vacher⋅es, chevrier⋅es, luttons ensemble ! » Les vendredi 25 et samedi 26 avril, plus d’une centaine de personnes ont participé à deux journées d’ateliers de formation, à l’occasion de cette troisième rencontre nationale des gardiens de troupeau syndiqués.
« Déjà, on dit gardien de troupeau, pas berger », dit Damien du SGT de l’Ariège. L’image du Jésus berger, ce n’est pas notre quotidien. » Il dénonce la précarité de son métier : « Nous, on aime notre boulot, mais on ne peut plus accepter les conditions qui nous sont imposées. »
Lors des estives, la garde de troupeaux dans des zones souvent reculées et en altitude, « on s’occupe des animaux jour et nuit, raconte-t-il, on peut faire jusqu’à 80 heures par semaine payées 42 ». À l’accueil, Coline raconte la semaine écoulée durant laquelle elle a vacciné 850 brebis : « J’ai attrapé des brebis de 8 heures à 22 heures pendant cinq jours. J’ai des bleus partout. »
« Nous on l’aime notre boulot mais on ne peut plus accepter les conditions qui nous sont imposées », dit Damien du Syndicat des gardiens de troupeaux.
© David Richard / Reporterre
La plupart des gardiens enchaînent des CDD dit « saisonniers agricoles ». Des engagements spécifiques à l’agriculture, sans date de fin précise et sans prime de précarité à l’issue du contrat. « On est très seul face à nos employeurs », explique Lison. Gardienne depuis dix ans, elle anime l’atelier sur la négociation salariale. « La discussion se fait très souvent hors de tout cadre, en tête à tête, sur un coin de table ». Selon le SGT, le salaire moyen d’un gardien de troupeaux est de 1 800 euros net avec les primes.
« Faudrait quand même pas que tu me coûtes plus qu’une botte de foin ! »
Les exploitants bénéficient de dérogations au droit du travail qui permettent des conditions de travail très précaires. « Faire dormir un berger dans une tente pendant plusieurs semaines, c’est autorisé par la loi ! », raconte par exemple Damien.
Dans son atelier, Lison partage son expérience. Un jour, un éleveur lui a lancé : « Faudrait quand même pas que tu me coûtes plus qu’une botte de foin ! » Des propos qui symbolisent pour elle la perception qu’ont les exploitants de leurs salariés : « Du prix du foin à l’achat d’un tracteur, les exploitants n’ont pas de prise sur leurs charges. Leur variable d’ajustement, c’est le coût de notre travail. »

L’achat et le dressage des chiens font partie des coûts à la charge des bergers.
© David Richard / Reporterre
Lison aborde aussi le combat du syndicat pour des indemnités d’équipement. Les vêtements, les chaussures mais aussi la nourriture et le dressage des chiens, à la fois compagnons et outils de travail, sont à la charge des bergers.
Ajoutez à cela l’achat d’une voiture, son entretien et le carburant. « Ça me coûte au moins 2 500 euros par an », dit Marion, bergère sur le Larzac et dans les Alpes. Seules quelques conventions départementales obligent les éleveurs à verser 50 euros par mois. Le Code du travail stipule pourtant que les employeurs doivent payer les équipements nécessaires à la réalisation du travail.

« On est très seul face à nos employeurs », raconte Lison. Un isolement auquel veut parer le syndicat.
© David Richard / Reporterre
Face à cette situation « moyenâgeuse », le syndicat, lancé dès 2013 en Isère, veut sortir les gardiens de leur isolement. Pour Lisa qui débute dans le métier, ces rencontres lui « redonne de l’énergie, dit-elle. Le milieu agricole c’est dur, mais là je vois qu’on peut se battre pour nos droits. »
Le SGT–CGT a obtenu des avancées dans des territoires pastoraux comme l’Ariège et les Hautes-Alpes, comme ces primes d’équipement de 50 euros minimum, mais le collectif réclame surtout une convention collective au niveau national qui protégerait tous les gardiens de troupeaux. Il y a quatre ans, des discussions ont été amorcées avec la FNSEA, sans résultat.
Le syndicat majoritaire d’exploitants « bloque sans cesse les discussions », affirme Damien « et les autres, comme la Confédération Paysanne, participent à invisibiliser notre lutte », estime-t-il. Pour autant, la mobilisation n’est pas à l’arrêt. « Pour le premier weekend Massif Attaque, on était 40. Trois ans plus tard, on est 150 » compte Damien. Le signe, pour lui, d’un mouvement « qui prend de l’ampleur ».
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